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En 2007, Paris inaugurait le premier Salon de la Photo au Parc des Expositions de la Porte de Versailles, et c’est en 2022 que la manifestation déménage pour donner rendez-vous à son public à la Grande Halle de la Villette. À quelques jours de l’inauguration de l’édition 2024, j’ai rencontré Marianne Chandernagor, qui dirige l’un des principaux salons européens dédiés à la photographie depuis l’an passé et Simon Edwards, le directeur artistique ! Cette année est marquée par une offre culturelle importante avec pas moins de 15 expositions proposées.

Raymond Depardon. Collection photo Fnac © Magnum Photos

Ericka Weidmann : Le Salon de la Photo développe considérablement son offre culturelle, est-ce motivé par le déménagement à la Grande Halle de la Villette ?

Marianne Chandernagor : Il était nécessaire de donner une nouvelle dimension à ce salon qui s’essoufflait un peu. Cela faisait 15 ans qu’il se déroulait sous le même modèle et dans ce même lieu qu’était le Parc des Expositions de la Porte de Versailles, assez peu adapté à la dimension culturelle que l’on voulait lui donner. Car au Salon de la photo, il y a vraiment deux parties distinctes avec d’un côté l’innovation avec la présentation et les tests des produits, et de l’autre la dimension culturelle. On se rend bien compte, en interrogeant le public, que cette dernière partie est très attendue, le fait de pouvoir découvrir le travail d’autres photographes est en tête de leurs critères de décision pour venir sur le salon. Pour résumer, ce salon c’est l’innovation et l’inspiration culturelle, et pour cela, la Villette est un formidable écrin. Nous avons organisé les espaces pour proposer aux visiteurs l’offre de produits et de matériel au rez-de-chaussée et l’offre culturelle et les expositions sont en mezzanine. 
Comparé à la Porte de Versailles, le lieu est évidemment plus petit, nous avons donc opté pour une offre exposante plus sélective avec une cible visiteurs plus qualitative. Ce changement de lieu permet un meilleur parcours de visite et une gestion des flux plus évidente. Nous avons noté également, mais peut-être est-ce aussi dû à l’évolution du marché, un rajeunissement très notable de la clientèle du Salon de la photo. On a gagné plus de 10 ans de moyenne d’âge entre la clientèle de la Porte de Versailles avant Covid et la clientèle d’aujourd’hui, dont la moyenne d’âge est autour des 46 ans, majoritairement masculine.

Portrait de Marianne Chandernagor © Franck Foucha | Portrait de Simon Edwards © DR

E.W. :
Qui sont les visiteurs du Salon de la Photo ?

M.C. : Aujourd’hui, en Europe, le Salon de la Photo est l’un des derniers salons du genre. C’est un salon mixte qui s’adresse à la fois au grand public et également aux professionnels. 85% des visiteurs sont des photographes amateurs, mais la participation des professionnels augmente et notre objectif pour cette prochaine édition est d’atteindre les 20% pour la prochaine édition. Pour la première fois cette année, on créé un business center qui va permettre aux professionnels de se retrouver dans un lieu qui leur est entièrement dédié, pour faciliter la rencontre avec les fournisseurs et les autres professionnels. Il est important d’ajouter que nous avons une troisième cible qui se développe de plus en plus, celle des créateurs de contenu qui utilisent la photo et la vidéo dans leur pratique au quotidien.

© Arthur Chambre

E.W. :
Pouvez-vous nous dévoiler les temps forts de cette prochaine édition ?

M.C. : Depuis notre arrivée à la Villette, nous avons mis en place de nombreux événement, nous utilisons notamment l’espace extérieur comme lieu d’expérience photographique. Au sein du salon, nous avons ce que l’on appelle des « zones de pratique », autour de plusieurs thématiques, comme la photo en mouvement, la photo architecturale ou encore la macro par exemple… Notre volonté est de faire de La Villette un grand studio photo éphémère. On vient pour découvrir le matériel, l’acquérir, mais on vient aussi éprouver ce matériel que l’on teste. Nous proposons aussi une quinzaine d’ateliers masterclass autour de sept thèmes (la chambre noire, le portrait culinaire, la street photo, le montage photo, la nature morte, photo de nu et l’art du portrait). Ces ateliers sont ouverts sur réservation et ça fonctionne généralement très bien. Dans les temps forts il y a évidemment toutes les prises de parole, avec les conférences, la scène live et les grandes rencontres avec des photographes réputés. Sans oublier toutes les expositions qui seront proposées, cette année les visiteurs pourront en découvrir une quinzaine, parmi elles, la grande exposition consacrée à la Collection de la FNAC organisée par le Musée Niépce.
 Cette année, on a décidé de développer un axe que nous n’avions jamais exploré jusqu’à maintenant, qui est celui des galeristes. On va avoir un espace d’une centaine de mètres carrés avec plusieurs galeries qui vont venir proposer des tirages d’entrée de gamme (avec des prix autour de 500 et 1000 €) avec un objectif pédagogique pour entreprendre une collection photo.
 Nous avons aussi souhaité mettre plus en avant la pratique argentique, c’est une attente forte de la part des visiteurs, de pouvoir d’acquérir du matériel argentique neuf ou en seconde main. Nous avons 13% de notre cible qui s’intéresse à l’argentique, ce n’est pas rien, on doit donc apporter une réponse à cette attente. On le voit très bien, et pas qu’en photographie, il y a une vraie tendance au retour du vintage, un regain pour la nostalgie…
À noter qu’il y aura aussi des corners de reprise et de SAV avec réparation de matériel.

Sabine Weiss. Collection photo Fnac © Photo Elysée, Lausanne

E.W. :
Comment évolue le marché ? Que viennent chercher les visiteurs ?

M.C. : La montée du smartphone a été une porte d’entrée pour pratiquer la photographie différemment et pour inciter ses utilisateurs à venir s’équiper. Je pense que le Salon de la Photo est un salon de l’image dans son ensemble, avec la photo mais aussi la vidéo. En photographie, il y a différentes pratiques, celles des pratiques plus anciennes comme l’argentique intéressent de plus en plus les jeunes. Nous souhaitons répondre aux attentes de nos visiteurs, car nos chiffres parlent d’eux-mêmes, 60% de nos photographes utilisent du réflexe, 47% recherchent de l’hybride et 43% utilisent leur smartphone. Et c’est pour cela qu’on propose donc du neuf, de l’occasion et de la collection. Et qu’il est important d’avoir toutes ces expositions pour montrer à quel point la photo est multiple. 
On commence également à préparer le terrain du bicentenaire de la photographie qui arrive bientôt afin de positionner le Salon de la photo comme un événement référence. Notre ambition est claire : celle de développer la partie professionnelle sur le territoire européen. C’est important de l’assumer, car aujourd’hui on est l’un des rares salons qui existe, le secteur de la photographie se redynamise et il y a un vrai avenir pour le Salon de la Photo.

E.W. :
Simon Edwards, pouvez-vous nous présenter la grande exposition de cette année consacrée à la collection de la Fnac ?

Simon Edwards : Qu’est-ce qu’une collection de photographies ? Le résultat d’une passion personnelle ou le fruit d’une ligne éditoriale liée à une époque ou à un genre spécifique, comme c’est le cas de la collection de photographies de la Fnac, conservée au musée Nicéphore Niépce à Chalon sur Saône depuis 2014 ? Cette grande collection, constituée sur une période de plus de 30 ans, est le reflet surtout de la création photographique des années 1980 à 2000, mettant en avant des artistes qui à l’époque ont exposé dans les galeries de la Fnac.

William Klein. Collection photo Fnac © Estate William Klein

L’exposition La Collection photographique de la Fnac au Salon de la Photo, en dialogue avec le musée Nicéphore Niépce, s’articule autour des périodes liées à la création photographique, surtout française, des années 1930 à 2010. Elle est illustrée par les images iconiques des années 30 de Brassaï, de Man Ray et d’André Kertesz mais aussi par les artistes dits « humanistes » comme Henri-Cartier-Bresson, Willy Ronis, Edouard Boubat et Sabine Weiss. La chronologie dans le choix d’œuvres débute à la période de l’entre-deux guerres où l’image argentique noir et blanc dominait la création photographique jusqu‘aux années 60 où la couleur prenait son essor, avec les œuvres de Franco Fontana et William Klein et plus tard avec des artistes comme Annie Leibovitz, Arnaud Baumann ou Jean-Christophe Béchet. Le photojournalisme est représenté par de grands noms comme Abbas, Robert Capa, Gilles Caron et Sebastiao Salgado, que les directeurs artistiques de la collection Fnac ont fait rentrer dans la collection à une époque où la photographie n’atteignait pas les prix d’aujourd’hui pour certains de ces artistes. Les portraits d’artistes par Gisèle Freund côtoient ceux des stars de cinéma par Philippe Halsman et Yul Brynner, et la section dédiée à la photographie créative contemporaine montrent des œuvres de Gibert Garcin, Elizabeth Lennard, Ralph Gibson et Didier Massard.

INFORMATIONS PRATIQUES
Salon de la Photo
Du 10 au 13 octobre 2024
Grande Halle de La Villette
211 avenue Jean Jaurès
75019 Paris
https://www.lesalondelaphoto.com/

Entretien publié dans le numéro #373 de Réponses Photo.

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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