Laurent Henrion a remporté la 19ème édition du Prix Picto de la Jeune Photographie de Mode. Créé en 1998, par le laboratoire Picto, ce prix, désormais développé dans le cadre des programmes de Picto Foundation, le fonds de dotation du laboratoire, offre un éclairage particulier des travaux des lauréats auprès d’un public de professionnels. Rencontre avec le jeune photographe belge, qui construit ses images sans concession, en mélangeant les styles et les références artistiques pour nous offrir un moment d’évasion.
9 lives : Vous venez de remporter le Prix Picto de la Jeune de la Photographie de Mode, pouvez-vous nous en dire plus sur les travaux que vous avez proposés au jury ?
Luo (titre inspiré de l’œuvre de Gu Kaizhi « La nymphe de la rivière Luo ») avait comme fil rouge le voile visuel. Une série présentant, selon moi, des portraits iconiques jouant sur l’ambiguïté du dévoilement.
Ensuite « Les murmures d’Icare » : il s’agit de mon travail de fin d’étude. De base mon sujet était l’eau, le végétal et le bleu. Et au fur et à mesure de mes recherches et de mes prises de vue, l’histoire s’est resserrée autour de la notion de « flottement ». Autant métaphorique que physique. Cette sorte d’étrange tiraillement entre le haut et le bas. Le titre me vient logiquement du mythe d’Icare. Mais je situe ma série plutôt autour du moment où il se trouve déjà sous l’eau et qu’il se demande s’il va se laisser couler ou regagner la surface.
Enfin, la dernière, Monolithe, parle pour l’instant du thème large de la possession par le désir, et plus particulièrement de ce statut sacré qu’on lui donne. Mais, plus globalement, avec mon travail, je dirais que je cherche à offrir un univers distancié de la réalité. Un moment d’évasion.
M : Comment vous situez-vous par rapport à la photographie de mode d’aujourd’hui ?
Et en ce qui concerne plus particulièrement, mon rapport à la photo de mode, je dirais que j’ai un avis assez partagé sur la question. D’une part, c’est un domaine qui me paraît être un merveilleux terrain de jeu pour tous types d’artistes. Mais de l’autre côté, j’ai toujours été assez frileux face aux dérives que l’imagerie de mode peut entrainer. J’enfonce sans doute une porte ouverte, mais je veux juste dire que je ne veux pas devenir, de quelques manières que ce soit, celui qui fera culpabiliser de son image la/le spectateur. Je vais donc essayer de m’en tenir à mes principes autant que possible.
L. H. : Pour ce qui est de mes inspirations, j’en ai énormément. Je suis du genre à passer deux heures tous les soirs à « bouffer » de l’image depuis mon ordinateur. J’adore ça. C’est à l’école et sur tumblr que j’ai découvert la majorité des artistes qui m’inspire aujourd’hui.
En photographie il y a Sally Mann, Viviane Sassen, Dirk Braeckman, Harley Weir, Tim Walker, Araki ou encore Alison Scarpulla.
Du côté de la peinture, c’est très large et cela peut aller de Fragonard jusqu’à Francis Bacon.
Niveau illustration, le travail de Jiwoon Pak ou encore Akino Kondoh me plaisent énormément.
En sculpture, je n’ai pas vraiment d’artistes phares. J’ai plutôt tendance à laisser venir les sculptures à moi sans vraiment faire de recherches délibérées dans ce sens.
Et enfin, au niveau cinéma, mon réalisateur favoris est Wong Kar-wai avec notamment le sublime « In the mood for love ».
Je ne peux évidemment pas citer toutes mes références mais je dirais que forcément mon style, mon écriture, se retrouve au croisement de toutes ces références. Même si je me juge encore loin de leur arriver à la cheville.