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Denis Rouvre dévoile ses Unsung Heroes
Rajwa Mohamad Rahmoun

Temps de lecture estimé : 5mins

Unsung Heroes est un projet photographique réalisé par Denis Rouvre qui rassemble 50 portraits et témoignages de femmes accompagnées par Médecins du Monde sur 4 continents. Face aux violences morales, physiques et/ou institutionnelles que ces femmes subissent, ces portraits entendent mettre en avant les droits des femmes. Chaque jour de la semaine, le photographe français dévoilera un portrait, Place de la République, à Paris*. L’occasion de découvrir ces héroïnes ordinaires.

Jusqu’à vendredi, journée internationale des droits de la femme, nous partagerons avec vous le portrait du jour. Aujourd’hui, nous vous présentons Rajwa Mohamad Rahmoun,une réfugiée syrienne qui est venue au Liban avec ses enfants.

*Les portraits sont affichés dans différents autres lieux à Paris (Belleville, Barbès, Ménilmontant, centre de Paris…) et ils sont également exposés à Bordeaux sur les grilles des jardins de l’Hôtel de Ville.

Témoignage

Je m’appelle Rajwa Mohamad Rahmoun. Je viens de Qusayr, dans la province de Homs, en Syrie. Mes enfants et moi sommes venus au Liban. Nous sommes sains et saufs. Mais j’ai perdu mon mari. Je ne sais pas où il est.

J’endure énormément de souffrances. En tant que femme, je ne suis pas censée défendre mes droits et ceux de mes enfants. Quelles que soient les catastrophes que je subis, on me dit « tu es une femme, tu ne dois pas parler ». Mais moi, je veux parler et nous défendre, moi et mes enfants. Je dois constamment me battre.

Je mobilise mon courage. Mon courage et ma force. Et quand je veux dire quelque chose, je le dis. Je ne veux pas me taire. Je veux défendre mes droits.

Regarder mes enfants me donne du courage. Il me suffit de les regarder pour trouver la patience et la force de parler. Ça me donne énormément de courage, pour faire valoir leurs droits.

Mon fils a eu un accident de mobylette. Il s’est cassé un bras et une jambe. Tout le monde m’est tombé dessus, en disant que c’était de ma faute s’il était tombé. Il a été emmené à l’hôpital et on m’a demandé 2000 dollars. Je n’avais pas cet argent. J’ai dû faire le tour de mes voisins pour soigner mon fils. Eux me disaient que je l’avais bien cherché. En allant à l’hôpital, j’avais peur de trouver mon fils mort. Mais en le voyant qui me disait tout allait bien, ça m’a donné la force de me démener pour trouver l’argent et payer l’opération.

Pourquoi lui avoir acheté une mobylette ? Pour qu’il puisse aller au travail, c’est son moyen de transport.

Je dois élever la voix en tant que femme seule, sans mari. Je dois me faire entendre pour que personne ne fasse de tort à mes enfants. Pour tout.

Ici, à tous les niveaux, nous sommes lésés. Nous avions des maisons, nous les avons perdues et nous nous retrouvons dans un camp, sans rien. Nous avons tout perdu. Dieu merci, nous sommes en vie et prenons notre mal en patience. Mais c’est très différent de nos vies en Syrie. Notre vie en Syrie et notre vie ici n’ont rien à voir.

Les gens disent : « c’est une femme, pourquoi hausse-t-elle la voix ? » La femme ne devrait pas parler. Elle a des fils, eux peuvent parler. Mais c’est à moi de défendre mes enfants. Je suis la femme et l’homme. C’est ce que je leur dis tout le temps : « moi, je suis la femme et l’homme, et je défends mes enfants ».

Je souhaiterais que l’on retourne dans notre pays. Ouvrir les yeux et me retrouver chez nous, dans notre pays.

J’élève seule mes enfants. Je rêve qu’ils excellent en tout, qu’ils fassent toujours les bons choix et qu’ils réussissent leur vie. Je souhaite cela de tout mon cœur.

Je souhaite que les femmes aient toujours droit à la vie : qu’elles se défendent et qu’elles ne passent rien sous silence. Les femmes représentent la moitié de la société. Ce n’est plus d’un côté les hommes, de l’autre les femmes, non. Les femmes doivent avoir davantage de droits.

Ce sont les femmes qui donnent la vie, qui élèvent les enfants, qui tiennent toute la famille. La femme est au fondement de tout dans la vie.

La femme doit constamment être courageuse, toujours forte. La femme représente la moitié de la société et c’est à elle que doit revenir la plus grosse part, parce que c’est elle qui en fait le plus. Sans les femmes, il n’y aurait rien.

Le projet

À travers son objectif, le photographe Denis Rouvre donne à voir l’acte de résistance de ces femmes et leurs engagements face aux violences politiques et sociétales d’aujourd’hui. Ces femmes se font alors ambassadrices de toutes ces « Unsung heroes »,pour faire évoluer les consciences et rétablir leurs droits bafoués.

Ce projet photographique s’inscrit au coeur du mandat de Médecins du Monde qui s’engage depuis près de 40 ans à soigner les populations les plus vulnérables, témoigner des entraves constatées quant à l’accès aux soins et aux droits et dénoncer les atteintes à la dignité et aux droits humains. Le droit des femmes à disposer de leur corps, à décider de leur sexualité, de leur santé et de leur vie partout dans le monde est un levier de progrès vers l’égalité de genre, un sujet qui est au centre des combats de Médecins du Monde.

Dans le cadre de ses projets, Médecins du Monde prend en charge et accompagne les personnes ayant subi des violences liées aux genres. Par le biais de cette exposition, l’association souhaite rendre hommage à ces femmes violentées, qui font preuve de résilience, d’abnégation et de courage.

unsungheroes.medecinsdumonde.org

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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