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Biennale d’Issy : Droits de représentation bafoués
Les photographes à bout de souffle

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Le problème des droits de représentation non respectés avait été révélé au grand jour dans la presse en juin 2018 dans Libération et dans le Monde. Ainsi, chacun avait pu prendre conscience que les photographes devaient s’asseoir gentiment sur des revenus légaux liés aux droits patrimoniaux leur permettant d’exploiter l’exposition de leurs œuvres. Et non, un artiste ne vit pas uniquement de la vente de ses photographies, il vit également des droits d’auteur pour les publications, les monstrations et autres exploitations… La majorité des événements foulent du pied ce droit, creusant chaque jour un peu plus la tombe des auteurs.

C’est la photographe Ana Bloom qui a tiré la sonnette d’alarme à l’occasion de la Biennale d’Issy-les-Moulineaux. Manifestation qui n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’elle existe depuis 1995 (et historiquement 1985). Dans les faits, pour exposer lors de cette Biennale, un artiste (tous domaines confondus) répond à un appel à participation, pour lequel il devra s’acquitter d’une somme forfaitaire de 15€. Les tirages sont bien évidemment à la charge des photographes.

La biennale, soutenue par la municipalité d’Issy-les-Moulineaux, est en accès payant pour les visiteurs (5,20€). Cette manifestation génère donc des revenus, pour payer logiquement ceux qui œuvrent à sa réalisation. Pourtant comme dans de trop nombreux festivals, biennales ou expositions, le grand oublié est l’artiste, celui là même qui donne un sens à cet événement culturel.

Ana Bloom a donc envoyé un premier courrier daté du 29 août dernier pour exprimer son étonnement sur la non reversion des rémunérations à titre de droit de représentation pour l’exposition, et droit de reproduction pour le catalogue, et demander que la loi soit respectée. Le 10 septembre, le maire adjoint, délégué à la culture Fabienne Liadzé répond par un courrier qui débute ainsi : « Croyez bien que je suis sensible à vos revendications qui nous alertent sur la difficulté dans laquelle se trouve les artistes. Cependant je n’approuve ni la tonalité de votre lettre, ni certains de vos propos, ou encore la méthode employée pour arriver à vos fins« . S’en suit cet argument agaçant, servi par tous, que les artistes bénéficieront de visibilité et de notoriété ! Et ça marche ! Si seulement les photographes pouvaient payer leur loyer en bon de visibilité et en chèque de notoriété !

Viennent ensuite les chiffres, et nous, les chiffres on aime ça ! C’est du concret. Madame Liadzé, annonce que le budget de la manifestation est de 70.000€, pour le commissariat, la scénographie, la communication, la logistique, les frais protocolaires… Mais pourquoi n’est-il pas logique de rémunérer l’artiste de la même manière que l’on paye le commissaire ? Et établir un budget en fonction ? Les recettes directes sont de 5.000€, preuve que la manifestation est déficitaire de 65.000€, mais pourquoi est-ce aux auteurs d’être amputés de leur rémunération ?
La Biennale d’Issy-les-Moulineaux n’est malheureusement pas un cas isolé, c’est un exemple parmi tant d’autres.

Il faut que cela cesse !

Aujourd’hui un grand festival qui reçoit plus de 2 millions d’euros de subventions publiques, bafoue depuis un demi-siècle les droits de représentation des photographes, lorsqu’un festival plus modeste consacre près de 50% de son budget aux droits d’auteur… Il semblerait que pour « aider » ce grand festival à respecter la loi, leur subvention publique ait été rallongée! Nous avions posé la question au ministère à ce propos, restée sans réponse. Vous connaissez le principe du silence vaut accord dans l’administration… La solution réside dans la volonté des organisateurs de respecter vos droits !

Photographes, unissez-vous ! Si les artistes lors du vernissage avaient tous décroché leurs œuvres, la demande légitime de rémunération aurait peut-être été entendue ! Le chantage à la visibilité ne peut plus durer !

J’invite tous les photographes à dénoncer cette situation grotesque sur les réseaux sociaux en partageant leurs expériences #payetonexpo ! Si vous avez été rémunérés (c’est important de le dire) mais également si vous exposez gratuitement ! Espérons ainsi que pour chaque manifestation, lors des prochaines élaborations des budgets, le photographe soit enfin pris en compte !

INFORMATIONS PRATIQUES

mer11sep(sep 11)11 h 00 mindim10nov(nov 10)17 h 00 minLa Route des souffles, breath projectAna BloomMusée Français de la Carte à Jouer & Galerie d'Histoire de la Ville, 16 Rue Auguste Gervais, 92130 Issy-les-Moulineaux


Entrée plein tarif : 5,20 €
https://www.biennaledissy.com

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Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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