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Masterclass Oeildeep : Contrôle par Bruno Vautrelle

Temps de lecture estimé : 6mins

Cette semaine, nous poursuivons la publication de la restitution de la dernière Masterclass Oeildeep, qui a été encadrée notamment par les photographes Jane Evelyn Atwood et Jean-Christian Bourcart. Aujourd’hui, découvrez l’étonnante série intitulée « Contrôle » et réalisée par Bruno Vautrelle. Dans ce travail, il nous offre un somptueux bestiaire. Renards, loups, panthères, vautours et autres espèces de faune sauvage posent devant l’objectif du photographe dans une galerie de portraits très particulière…

CONTRÔLE

Une randonnée en Corse : à travers les fourrés, un renard approche de mon bivouac. Plus près encore. Puis un petit miracle : durant une dizaine de secondes, nous nous sommes dévisagés. Moment fascinant où crainte et méfiance étaient suspendues. Chaque seconde pesant l’éternité d’un instant à contempler de près la beauté de cet animal.

Je songeais depuis longtemps à travailler sur le monde sauvage, cette rencontre a probablement été le déclic. Restait à savoir sur quelles espèces travailler.
D’une enfance rurale, je garde le souvenir de la désaffection, de la répulsion qui frappait certains animaux , renards, chouettes, corbeaux, fouines, loups … Tous ceux qui pouvaient représenter encore une menace, affublés du mauvais sort, qualifiés de nuisibles, mis à distance et minutieusement éliminés.

Animaux sombres et nocturnes. Prédateurs concurrents. Ils fascinent et révulsent dans le même temps. Chassés, presque éradiqués, puis protégés, ceux-là m’ont toujours attiré, je ressentais comme une profonde injustice la haine qui les accablait. J’ai naturellement commencé mon travail avec eux. On protège ce que l’on aime et on aime ce que l’on connaît. C’est dans cet esprit que j’ai engagé une série de portraits d’animaux autrefois « honnis ». Je voulais offrir à qui les regarderait une part de l’émerveillement ressenti avec le renard.

Au terme d’un long travail d’observation, j’ai mis en place un dispositif pour saisir un instant de cette vie sauvage que l’animal voulait bien me donner. Pour offrir une confrontation directe avec les animaux, j’ai capturé avec précision et technicité ces mal-aimés de la biodiversité. Je voulais en donner une vision rapprochée en portant l’attention sur les délicats détails, les motifs complexes et les tonalités subtiles invisibles à l’oeil nu. Être au plus près de l’animal pour révéler l’unicité de l’espèce tout en effaçant la distance mentale et physique qui nous en sépare.

Ainsi, photographiés comme en studio, ces portraits devant un fond neutre noir éliminent tout contexte afin de focaliser l’attention sur l’animal, sans laisser son environnement influer sur notre perception. Lorsque j’ai commencé à exposer mes premières productions, j’ai constaté que les images procuraient un effet de l’ordre de l’enchantement. Enchantement de l’animal jamais vu comme cela, à la fois naturel dans son mouvement et formidablement esthétique. Ce résultat a peut-être trahi mes espérances. Trop beau, trop magnifié, au point d’en faire oublier une dimension essentielle : la menace qui continue à peser sur ces espèces, la prédation que nous exerçons sur la nature.

Dans le processus de création de ces premières images, je gommais le dispositif qui me permettait de les photographier : un appât, une marque au sol, la présence du dresseur… Revisitant ma démarche, j’ai alors pris conscience que j’enlevais ce qu’il convenait de garder ! En laissant apparaître la « mécanique », les procédés, qui me permettent de photographier au plus près ces animaux, je renvoie par là même aux rapports qui gouvernent la faune sauvage et les humains. Rapports de force, de contrôle, de pouvoir, de domination… Alors que les hommes dépassent la barre des huit milliards sur la planète, seuls 3% des mammifères vivent encore à l’état sauvage.

Parallèlement aux tirages argentiques d’exposition contrecollés et encadrés en bois noir, je fais sortir les animaux sauvages de leur cadre en les collant en grand format sur les murs de la ville, de façon éphémère, ré-ensauvageant ainsi le quotidien. Les dresseurs avec lesquels j’ai travaillé parlent d’imprégnation : ils peuvent obtenir de leurs animaux un certain nombre de choses car ces derniers ont été, dès leur naissance, habitués à l’humain. Ils se sont imprégnés au dresseur. Avec ce second volet de mon travail, je propose un renversement de l’imprégnation : que les humains des villes s’imprègnent un peu des animaux sauvages ; ne serait-ce qu’à travers un regard furtif.

Né à Châlons-en-Champagne en 1968. Vit et travaille à Paris.
Maîtrise en photographie à l’ISNA (Metz) en 1990.
Fasciné par la photographie depuis l’âge de 14 ans, Bruno Vautrelle a affiné son style et sa technique sous le mentorat de Bruno Jarret et Roger Turqueti sur des prises de vues de natures mortes en studio de 1993 à 1997.
Photographe Auteur dans son studio depuis 1999.
Influence essentielle du Groupe f.64 fondé en 1932 par Ansel Adams, Imogen Cunningham et Edward Weston, son langage visuel se caractérise par une maîtrise extrême de mise en lumière des sujets et crée une ambiance qui invite à la méditation.
Représenté pour la nature morte par TalentandPartner.

En Parallèle, il se projette à l’extérieur de son studio pour des séries artistiques au long cours, exposées à plusieurs reprises en France et à l’étranger.

Œuvres personnelles
« Les Faux » 2003 2005
« Explosions » 2002 2009
« Patis » 2006 2008
« Surfaces » 2009 2010
« La Petite Amazonie » 2012 2014
« Fleurs » 2015
« Fôrets Nuageuses » 2017
« Contrôle » 2022

Représenté par
Galerie Frank Pages (Baden-Baden)
Galerie des Bains (Geneva)

https://www.brunovautrelle.com/


Vous souhaitez participer à la prochaine masterclass (du 3 juin au 3 décembre 2023), encadrée par Laura Serani, Stefano De Luigi et Jean-Christian Bourcart ?

  • 6 mois d’accompagnement artistique et technique adapté à vos objectifs et votre parcours
  • 3 professionnels s’impliquent et vous guident dans la construction de votre projet photographique de la conception à la finalisation : prise de vue, editing, post-production, mise en forme pour exposition, publication, projection
  • Alternance de week-ends en groupe à Paris et d’un suivi individuel par skype
  • Restitution de fin de masterclass: projection lors de la semaine d’ouverture des Rencontres de la photographique d’Arles et publication de chaque portfolio sur le site de notre partenaire 9 Lives Magazine.
  • Date de clôture des inscriptions : 3 mai 2023 (dans la limite des places disponibles).

https://oeildeep.com/masterclass


Vous êtes photographes et vous souhaitez donner de la visibilité et de la résonance à votre travail ? Notre rubrique Portfolio vous est consacrée !

Comment participer ?
Pour soumettre votre travail à la rédaction, il vous suffit d’envoyer à info@9lives-magazine.com

• Une série composée de 10 à 20 images. Vos fichiers doivent être en 72DPI au format JPG avec une taille en pixels entre 1200 et 2000 pixels dans la plus grande partie de l’image ;
• Des légendes (si il y a) ;
• Un texte de présentation de votre série (pas de format maximum ou minimum) ;
• Une courte biographie avec les coordonnées que vous souhaitez rendre public (site web, email, réseaux sociaux…)

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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