EvénementsPhoto

A Arles, Michael Wolf est un metteur en scène inspiré de ses explorations des grandes métropoles

Temps de lecture estimé : 4mins

Dés que l’on franchit les portes de l’Eglise des frères prêcheurs l’installation et la scénographie de l’exposition La vie dans les villes, de Michael Wolf, nous saisissent. Des photographies grands formats suspendues dans le centre, une installation monumentale et des séries regroupées dans les chapelles latérales, nous révèlent : Chicago, Hong Kong, Paris ou Tokyo, comme aucun photographe ne nous l’avait jamais restitué.

Comment chacun de nous investit l’espace public, son espace d’habitation ou de travail ? Michael Wolf (né à Munich en 1954) est un arpenteur de villes. Il identifie, collecte, isole,  et saisit les détails objets et accessoires qui demain feront sens, et témoigneront des modes de vies d’une époque. Glaneur et collectionneur, durant son séjour en Chine et à Hong Kong, il porte un intérêt particulier aux chaises et tabourets de rues que les chinois adoptent et investissent les longues heures qu’ils passent dans les rues. Des chaises  singulières, customisées, souvent bricolées et rafistolées, qui vivent plusieurs vies. Non seulement Michael Wolf les photographie, mais il les ramène avec lui et les installe, en échos et en témoins bien réels, au pied des photographies qu’il en fait.

Pratiquant aussi la photographie en ethnologue, il s’immerge dans le quotidien des habitants. Michael Wolf pose son regard sur l’habitat, vu de dehors ou de dedans. Le dehors, quand il photographie et expose en très grands formats les façades et les cours des immeubles de Hong Kong ou de Chicago. Révélant ainsi dans des similitudes apparentes tout ce qui fait différences, dans les alignements des cours intérieures ou des façades sur rues. Ainsi, le spectateur parcourt du regard des façades qui sont bien plus que des concentrations de fenêtres et de balcons.

Dans cette même démarche il restitue aussi, dans une série datant de 2014, comment les nuances de gris et les structures en zinc des toits de Paris, créent par leurs volumes, des sculptures urbaines à fleur de ciel.

Quand il aborde le dedans, Michael Wolf, dans une veine qui rappelle la nouvelle objectivité allemande popularisée par Bernd et Hilla Becher, dresse aussi par des alignements et des mosaïques de photographies, un fascinant état des lieux des minuscules appartement/studios de Hong Kong. Des espaces de vie de 9m2, meublés d’un lit une place ou de deux lits superposés, d’une table, d’une ou deux chaises et d’un téléviseur. Une seule et même pièce investie de manière récurrente, ou singulière, par des habitants, vivants seuls ou en couples. Un espace contraint qui oscille entre habitat individuel et univers carcéral. Les prises de vues frontales nous emmènent à la rencontre des logements et de ceux qui les habitent. En phase avec ce qu’elles montrent : elles sont exposées sur quatre murs, du sol au plafond, dans un espace clos de 9m2.

L’œuvre maitresse de l’exposition est The Real toy story (2004). Une installation monumentale de 3m x 12 m, qui associe  une douzaine de tirages couleurs, de différents formats, représentant à leurs postes de travail, les ouvrières d’usines de poupées, fabriquées en Chine. Des jouets bon marché, qui inondent depuis plus de vingt ans, le reste du monde. Une production si abondante, qu’elle nous est restituée en masse sous forme d’une installation, d’une accumulation, de 20 000 jouets et fragments de poupées made in China et « chinées », en fin de vie, dans des foires à tout et des vides greniers. Métaphore de la surproduction et de la consommation boulimiques de produits bon marché, ces fragments de plastiques nous renvoient à leur brève existence et reviennent tels des boomerangs, rejoindre comme autant  d’orphelins et d’orphelines, les ouvrières qui les ont produit.

A Tokyo, Michael Wolf, fige les visages abandonnés des voyageurs du métro. Des visages d’hommes et de femmes aux yeux clos, dont la joue ou le front s’aplatissent contre les vitres. Des visages abandonnés, transformés, recomposés et toujours singuliers.

Coproduite par le Fotomuseum de La Haye, La Vie dans les villes  de Michael Wolf est l’une des plus fortes expositions des Rencontres d’Arles 2017. Elle allie la force et la singularité de la démarche, avec une grande intelligence de l’accrochage et de la scénographie.

INFOS PRATIQUES :

La vie dans les villes
Michael Wolf
/!\ Attention derniers jours !
Du 3 juillet au 27 août 2017
La Croisière
13200 Arles
https://www.rencontres-arles.com
http://photomichaelwolf.com

Philippe Normand
Philippe Normand est Directeur artistique du festival Planche(s) contact depuis le printemps 2015, après en avoir assuré la coordination depuis sa création en 2010, et créé en 2012, Le Off de planche(s) Contact, en marge du festival in. Responsable du service culturel de la Ville de Deauville, il est en charge depuis 2006 de ses projets photographiques. On lui doit le commissariat d’expositions puisant dans la mémoire photographique de Deauville, en lien avec : la Donation Jacques Henri Lartigue, la BnF (fonds Seeberger), l'I.C.P. à New York, (Robert Capa, Deauville 1951), magnum photo, les archives de Yul Brynner, le festival Normandie Impressionnisme, … Auparavant de 1984 à 1993, aux côtés de Jean-Claude Gallotta, il a assuré et dirigé la communication du chorégraphe en réalisant l’editing des prises de vues des spectacles, et mis en œuvres une vingtaine de commandes photographiques (portraits, visuels d’affiches, reportages…)

    You may also like

    En voir plus dans Evénements