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Ambroise Tezenas & Frederic Delangle sont les premiers lauréats du Ooshot Award

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Le Ooshot Award, qui récompense la photographie de commande, a été lancé cette ecenée ! Suite à la réunion du jury, c’est le duo de photographes Ambroise Tezenas & Frederic Delangle qui remportent cette première édition, avec leur série « Des sneakers comme Jay-Z », commande réalisée pour Emmaüs Solidarité.

J’ai 19 ans. Je viens du Soudan.
J’ai choisi ce tee-shirt car il est très beau et en plus, c’est ma taille.
Il me va comme si c’était le mien.
Il va bien avec mon turban. Au Soudan, dans ma région, tous les hommes portent un turban
sur la tête. Ce n’est pas toujours le cas dans d’autres régions.
Celui-ci, je l’ai eu à Istanbul.
Je peux porter du noir ou du bleu, mais je préfère ne pas porter de rouge, c’est moche.
© Ambroise Tézenas et Frédéric Delangle

J’ai 21 ans. Je viens de Guinée-Conakry.
Je n’ai plus de vêtements, car ce matin, la police a mis du gaz dans ma tente puis l’a lacérée.
Je me suis enfui et je n’ai rien retrouvé à mon retour. Là, j’ai choisi un pantalon beige-kaki qui est ma couleur préférée.
C’est une couleur unique. Être à la mode, c’est attirer les gens autour de vous et donner une bonne image de vous.
La mode traditionnelle en Guinée est très colorée, avec des couleurs électriques dans les motifs.
La chemise n’est pas notre culture. Il y a par exemple les sarouels et les tuniques. Mais la mode traditionnelle en Guinée est plutôt pour les anciens. Faut pas se mentir, je ne suis pas tellement dans les habits traditionnels. Il y a des occasions où il faut porter ça : des fêtes, et ça fait du bien quand même. Mais ici, nous voulons vivre comme tout le monde.
Mon idée, ce n’est pas d’offenser quelqu’un, je suis venu pour chercher à être dans la norme, je ne veux pas de problème.
C’est pourquoi j’ai dit que j’avais peur des images.
© Ambroise Tézenas et Frédéric Delangle

Au centre de premier accueil de la porte de la Chapelle, à Paris, un soir d’hiver, Zaman – un jeune Afghan arrivé en bermuda et en tongs après avoir marché seize mois depuis Kaboul – a demandé, si, dans le tas de tennis usagées qui lui étaient présentées, les équipes d’Emmaüs Solidarité n’au- raient pas plutôt une paire de baskets “pas moches”, des sneakers… comme celles de Jay-Z. Le pro- jet est parti de là. Cette anecdote a amené Valérie Larrondo, bénévole chez Emmaüs, ainsi que les photographes et d’autres volontaires à s’interroger sur la fonction sociale du vêtement chez les réfugiés. Parmi des centaines de chaussures, de chan- dails, de manteaux, ils choisissent ce qu’ils veulent. Une couleur qui évoque la famille ou la patrie, un duffle-coat qui fait que l’on se sent “à égalité” avec ceux qu’ils rencontrent dans la rue ou, tout simplement, une casquette “trop chic”. Les raisons qui les ont amenés à choisir ce vêtement plutôt qu’un autre en dit long sur leur histoire, leur personnalité. Les photographes Frédéric Delangle et Ambroise Tézenas les ont immortalisés avec la veste ou le pantalon, au moment où ils se sentaient beaux. Ces portraits, réalisés l’hiver 2017 à la chambre, comme un moment de rencontre, sont là pour témoigner.

J’ai 24 ans et je viens du Soudan.
J’aime beaucoup ce sweat-shirt «Romantic».
Le bleu foncé comme ça est ma couleur préférée.
À Paris, la mode est beaucoup plus belle qu’au Soudan.
© Ambroise Tézenas et Frédéric Delangle

Ils permettent à Emmaüs Solidarité de stimuler les dons de vêtements masculins, par des publica- tions notamment. Il est à noter que, contrairement aux femmes, les vêtements pour hommes sont les plus rares à trouver à Emmaüs, car les hommes utilisent traditionnellement leurs vêtements jusqu’à ce qu’ils se déchirent et deviennent plus appropriés pour les déchets que pour des dona- tions. Cela rendait ce projet encore plus nécessaire et cette commande encore plus urgente et im- portante. Ce projet a vu sa visibilité amplifiée par des expositions – Rencontres de la photographie à Arles (été 2018), La Quinzaine Photographique Nantaise (sept-oct 2018) ou La Villette (1er au 16 décembre 2018).

J’ai 18 ans et je suis afghan.
J’ai choisi ce sweat car dehors il fait froid. Il y a une capuche pour se protéger.
Et c’est joli aussi. C’est assorti à ma robe, vous voyez.
Ma robe, elle, vient de mon pays. J’ai passé deux ans en Belgique et ma maman a donné cette robe bleue à un ami qui m’a retrouvé en Belgique. J’ai aussi un jean et un pull, mais ils sont sales, là. Je n’ai que deux tenues. Ma robe et mon jean européen.
Quand je mets cette tenue à Paris, je n’aime pas car on me regarde, tout le monde me regarde, ils pensent que je suis un terroriste.
Je ne veux pas qu’on me regarde.
Une fille, une fois, dans la rue, m’a dit :
« C’est très joli, cette robe. »
© Ambroise Tézenas et Frédéric Delangle

Avec ce prix, Ambroise Tézenas et Frédéric Delangle recevront une dotation de 10 000 euros par Ooshot, une solution de création de contenus, à l’origine du prix. Cela leur permettra de réaliser la suite de ce projet, photographier et interviewer des réfugiés qui ont obtenu des papiers et qui s’intègrent dans la société française.

J’ai 20 ans. Je viens de Somalie.
J’aime ces habits… j’aime m’habiller comme un Américain !
En Somalie, on ne s’habille pas aussi serré, vous savez, on met des habits plus larges.
Ma famille n’aimerait pas trop me voir habillé comme ça.
Ils trouveraient ça trop près du corps.
En France, je suis libre de m’habiller comme je veux.
© Ambroise Tézenas et Frédéric Delangle

Le Ooshot Award récompense un travail de commande photographique réalisé par un ou plu- sieurs photographes professionnels pour le compte d’un commanditaire.
Imaginé par la solution de création de contenus visuels Ooshot, le Ooshot Award récompense des visions d’auteurs et d’artistes mises au service de marques, d’entreprises et d’institutions. www.ooshotaward.com

J’ai 21 ans. Je viens de Somalie (de Mogadiscio).
Je suis habillé avec une chapka et un manteau qu’on m’a donnés en Russie.
J’adore ce pull qui a le style hip hop !
Si les gens me demandent combien je l’ai acheté, je vais dire que c’est un cadeau.
J’adore Paris, les gens sont gentils, comparativement à Stockholm, Berlin ou Varsovie.
Si j’avais des sous, j’achèterais une veste noire et des baskets Nike.
Le noir me va bien car j’ai la peau caramel.
© Ambroise Tézenas et Frédéric Delangle

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