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Carte blanche à Christine Delory-Momberger : Un espace de création partagée au cœur du 19ème arrondissement de Paris – Le Vent se lève ! Tiers lieu

Temps de lecture estimé : 4mins

Pour cette troisième carte blanche, notre invitée de la semaine, Christine Delory-Momberger nous parle d’un lieu qui lui est cher et dans lequel elle est actuellement en résidence artistique : Le Vent se lève ! C’est un « tiers-lieu » qui a pris à cœur – et en a fait son projet politique – d’ouvrir un espace pérenne de création partagée, « un lieu d’art rassemblant tous ceux qui désirent s’engager dans un travail de création, artistes de toutes sortes comme d’aucune ».

Sous la direction artistique de Jean-Pierre Chrétien-Goni, Le Vent se lève ! Tiers lieu est un collectif de création où se rencontrent des artistes, des amateurs, des jeunes errants ou en situation de réinsertion, des migrants clandestins, où se côtoient acteurs confirmés et néophytes, public avisé ou novice. Lieu de théâtre, de productions visuelles et sonores, de danse, de performances en tous genres.

Le nom « Le Vent se lève ! » en cache un autre ou plutôt deux autres qui en disent long sur l’intention qui anime ce lieu. C’est d’abord le nom de l’association qui gère cet espace : « L’impossible », abréviation de la formule plus développée « L’impossible plutôt que rien ». Ce nom sous forme de slogan traduit bien l’esprit dans lequel ce lieu s’est créé, à savoir que personne ne s’est posé la question de la faisabilité d’un projet, qu’il s’agissait avant tout d’y croire et de s’y engager. C’était cela ou rien. Une aventure conduite au jour le jour, une création partagée en acte, une expérience du commun où chacun « contribue » de plein droit parce que « la contribution est un geste qui nous paraît fondateur de notre activité, la contribution est toujours dirigée vers l’au-dehors de soi » (Chrétien-Goni).

C’est un appel vers le dehors, le large de la création comme résistance à la marchandisation du monde, le parti-pris de l’utopie comme force collective. Et c’est dans ce sens que le nom Le Vent se lève ! s’est imposé, premier vers de l’avant-dernier quatrain du Cimetière marin de Paul Valéry : « Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre ».

Faire de l’art avec de la vie, des humeurs, de la colère, de la joie, de l’amour, des espoirs, des envies, du désir, des détresses, avec tout ce qui fait l’humain. Pour cela, reprendre la main sur l’art, « récupérer les biens confisqués » (Chrétien-Goni), les mettre en partage, mutualiser les pratiques artistiques, inventer une langue commune, déconstruire les hiérarchies et rester conscient que l’entreprise n’est pas facile.

C’est une posture politique qui se construit à chaque moment, qui va plus loin que le seul « prendre part », qui n’en reste pas là et permet à chacun d’avoir la place qu’il se donne, avec sa vie, ses revendications, ses impasses, ses zones d’ombre et de lumière.

Le Vent se lève ! mène des actions dans les prisons, les hôpitaux, les centres psychiatriques, les lieux fermés où les pratiques artistiques n’ont généralement pas cours. Il accueille également des groupes de jeunes en situation d’insertion ou des jeunes condamnés à des travaux d’intérêt général pour la fabrication d’une pièce, la conception d’une performance visuelle et sonore, d’une mise en corps. Un artiste, un technicien sont présents dans le groupe mais à aucun moment ils ne dirigent ni ne décident, ils sont là pour l’élaboration d’un objet commun, ils mettent les ressources de leur art ou de leur savoir-faire au service des participants et de leur projet de création.

Et c’est toute la question du partage, ses limites, ses angles morts, ses pentes glissantes. Tenter de ne pas prendre le pouvoir parce que « l’on sait », ne pas faire de confusion entre soi et l’autre, rester conscient de la contradiction que ces positions respectives appelle et laisser venir, circuler dans un peut-être parfois difficile « partage du sensible » (Rancière).

C’est pourquoi Le Vent se lève ! se positionne comme un laboratoire, un lieu partagé de recherche, de réflexion et d’élaboration. Il accueille des artistes qui viennent là travailler pendant un temps dans l’esprit du lieu. Il organise tout au long de l’année des rencontres, des débats et des « banquets républicains » autour de thèmes choisis collectivement où sont discutés et pensés les pratiques de l’art, les liens à tisser avec les mondes et les territoires qui nous entourent et où sont produits des écrits partagés.

INFORMATIONS PRATIQUES
Le Vent se lève ! Tiers-lieu
181, avenue Jean Jaurès
75019-Paris
http://www.leventseleve.com

La Rédaction
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