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Le photographe français Elie Monferier vient d’auto-éditer « Sacre », le second volet de la trilogie Mythologies. Un ouvrage qui se déploie en grand format (25x40cm) en édition limitée à 122 exemplaires. Dans cette chronique, Frédéric Martin, dévoile l’univers d’Elie Monferier, où prédominent l’énergie vitale et la résilience des corps, le dépouillement et la sévérité des éléments, la solitude et la fraternité des individus face à la mort.

Au début il y avait le Monde.
Puis il y eut l’Homme enfanté par la sauvagerie de la Nature.
Et le Monde a continué et l’Homme s’est assagi, affadi. Las, il n’est plus que l’ombre sur la paroi d’une caverne.
Mais avec Sacre, Élie Monferier produit la chronique d’un monde mourant qui refuse la Mort.

© Élie Monferier

« Une ivresse du diable »

La montagne est toujours là, immuable et offre dans ses nuages la pluie, la vie. L’Homme, lui, court après la joie, l’amour et l’argent, s’oubliant et oubliant la forêt, encore elle, qui l’abrita et le nourrit.
Alors, on se perd, on se heurte.
Les poings griffent les portes, les visages sont bleuis, ensanglantés.
Une femme vieillissante contemple les corps dénudés de celles qui prendront sa place.
Le Monde tournoie et on se saoule pour ne pas oublier que nous sommes en vie.

« Les phares des voitures se jettent dans les fossés. »

© Élie Monferier

« Ici les frontières ont la densité du brouillard. »

Tout est tragique, amer et Élie Monferier nous propose, avec ce livre, si ce n’est de l’espoir, au moins une possibilité que les choses ne dérivent pas plus.
« Un poète mort n’écrit plus. D’où l’importance de rester vivant. » écrivait Michel Houllebecq. Ceci vaut aussi pour un photographe, pour un univers de gens. Et ça, même si la Vie suppose le drame, la chute et la fin.
Parce que, comme semble nous dire Élie, ce déclin immuable des confins laisse tout de même la possibilité de l’Etre.
Alors, on retrouve des mains calleuses, aux gros doigts noueux, des enfants et le cadavre que l’on dépèce.
Ce monde rural où les limites des bois, des champs se nomment de tête ; où l’effraie empaillée orne le buffet.
Ces espaces immenses avec la neige, le vent et des Hommes aux chaussures lourdes de terre et de fatigue.

« C’est là qu’on allait enfants. On jouait là. »

© Élie Monferier

« Cherchons les rares moments où l’on va au vif du sujet […] « 

Comme dans les précédents ouvrages, Sang Noir ou Fable, Sacre ramène à un sentiment de perte, de puissance sauvage.
Le sacré, le profane se mêlent dans l’incertain des jours. Les corps exultent, mais dans le même temps la balafre coupe le dos.
Élie nous entraîne dans cette sarabande, sans nous laisser la possibilité, ni même le choix, de respirer. L’élan est vital.
Il ne faut rien oublier de ce qui a été, rien. Le monde rural se meurt, on perd les traces des limites. La sauvagine envahi les taillis.
Qu’importe, on peut encore boire, beugler et s’aimer.
On peut toujours contempler la neige et croire que tout est possible. Au moins une dernière fois, au moins une dernière nuit.

« Il n’y a que le désir, l’énergie vitale, la sensation. »

© Élie Monferier

« Tout est question de rapport de force […] « 

Enfin.
On arrive au bout.
Désorientés, confus, mais qu’y pouvons-nous ?
Rien.
Il faudra attendre le troisième volume de cette saga pour, peut-être, y voir plus clair.
Ou peut-être pas.
Après tout l’eau coule des roches encore et encore et qui sommes-nous pour prétendre à savoir ?
Personne.
Juste des Hommes de chair et de sang, perdus et agités par le maelstrom de la Vie.
Pour le moment nous sommes vivants.
Et c’est l’essentiel.

INFORMATIONS PRATIQUES
Sacre
Elie Monferier
Éditions limitée à 122 copies
25×40 cm
126 pages
Xerographic printing on 80 gr Bulk paper
Semi-rigid cover
Square back binding glued by the author
122 numbered and signed copies of which the first 22 with a numbered and signed 20x30cm head print
Photography, text, design : Elie Monferier
https://www.eliemonferier.com

Frédéric Martin
Frédéric Martin est photographe, son travail questionne l'intime, la relation à l'autre. Il a publié l'Absente chez Bis Éditions. Frédéric Martin écrit aussi des chroniques de livres de photographies dans lesquelles il cherche à valoriser tout autant le travail du photographe que l'objet livre. Elles sont à lire sur son site : www.5ruedu.fr

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