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Rencontre avec Stéphane Corréard, fondateur du salon Galeristes, 2ème édition

Temps de lecture estimé : 9mins

La seconde édition du Salon Galeristes ouvre ses portes jeudi au Carreau du Temple à Paris. A cette occasion, nous avons rencontré le directeur et fondateur de cet événement imaginé par les collectionneurs : Stéphane Corréard.

« La collection peut apporter une dimension supplémentaire dans la relation amoureuse à l’art » – Stéphane Corréard

9 lives : Si Galeristes est un salon imaginé par les collectionneurs que pensez-vous de ce phénomène de montée en puissance des collectionneurs devenus prescripteurs ?

Stéphane Corréard : Il existe plusieurs sortes de collectionneurs. C’est Hervé Loevenbruck qui déclarait à propos de la Fiac « il y avait 500 collectionneurs dans les années 70, il y en a toujours autant mais ils sont moins visibles car noyés dans une masse de gens qui achètent de l’art pour différentes raisons ». Si le marché est devenu prédominant il n’est pas pour autant désincarné.

Chacun a une motivation intime pour acquérir des œuvres. Le phénomène nouveau est cette importance du marché et aussi de l’ affaiblissement de certains circuits de validation traditionnels ; les musées, les critiques d’art malheureusement, les collectionneurs devenant dès lors plus visibles, leurs choix portant plus. J’y vois aussi du positif dans la mesure où ils s’engagent. Galeristes est un salon pensé par les collectionneurs dans la mesure où ils composent majoritairement le comité de sélection (8 sur 10 membres). Les collectionneurs qui entourent la foire ont choisi de porter leur engagement de manière publique, ce qui n’est pas le cas de tous et font preuve d’une certaine forme de militantisme, comme Gilles Fuchs, le président de l’ADIAF, Michel Poitevin à l’origine de l’exposition Engagement, Anne-Martin Fugier à l’origine d’un livre sur les collectionneurs, Estelle Francès qui dirige une fondation, ou Jean-Claude Mosconi qui anime des clubs de collectionneurs primo-accédants.

J’avais besoin de militants autour de moi parce que Galeristes a pour vocation première de montrer l’importance des galeries à taille humaine dans l’écosystème de l’art, le travail formidable de ces professionnels.

Je suis aussi un farouche partisan de la déconnexion de l’idée de la collection avec la notion de fortune. Il faut démocratiser la collection au maximum c’est pourquoi ces collectionneurs m’intéressent par leur exemple et leur action collective. Cette notion de passion commune nous guide pour faire ces connexions entre tous ces publics. Je suis un amoureux de la diversité et si on veut la faire vivre il faut qu’il existe une diversité de financement car si on laisse uniquement les gros spéculateurs ils financent un art qui leur correspond. Si ces gens là finançaient la musique par exemple il n’y aurait sans doute pas de rap ni de hard rock mais uniquement de l’opéra !

9 lives : Quel bilan de la 1ère édition et constantes pour cette 2ème édition de Galeristes ?

S. C. : J’ai été très heureux de cette 1ère édition dont le mérite premier revient à notre scénographe, Dominique Perrault qui a su suggérer instinctivement que ce salon appelait un autre type de relation entre les gens et c’est ce plaisir d’échanger sur un pied d’égalité, sans être jugé, qui m’a été le plus rapporté de la part du public et des galeristes. Ayant été galeriste moi même j’ai toujours été choqué du fait que les galeristes, même les plus grands, ne jouissent pas de la même considération qu’un grand éditeur ou producteur de cinéma, ce qui n’est pas rendre hommage à leur investissement bien au delà de la notion commerciale.

Je pense qu’il faut une certaine stabilité et que l’un des défauts des foires c’est de rejouer en permanence chaque année la présence des galeries, alors que cela représente un investissement à plus long terme. Nous avons donc décidé avec le comité de réinviter toutes celles qui étaient présentes l’année dernière. Ce n’était vraiment pas la philosophie du salon sous prétexte que c’était un succès d’ avoir d’autres candidatures. Au contraire c’est d’accompagner les professionnels dans la durée. Il y a certaines galeries qui n’ont pas pu revenir pour divers raisons dont le changement de date d’Art Basel Miami.

On a au final 28 exposants soit 2 de plus que l’année passée, ce qui nous a permis de creuser et d’évoluer suite aux remarques reçues sur le côté français de la foire qui n’était pas un postulat de départ pour moi. Mon impératif étant plutôt un public français à fidéliser dans une relation suivie et son cadre naturel qu’est la galerie. Cette année nous avons une galerie suisse (Barbara Polla) et une galerie belge, des galeries francophones dans des territoires limitrophes.

Nous avons aussi développé et renforcé la province avec la présence notamment de Claire Gastaud de Clermont Ferrand et je suis ravi de voir l’éclosion de foires régionales comme St-Art, Rouen, Montpellier, Marseille avec Art O Rama, convaincu qu’il faut animer ce réseau de collectionneurs sur tout le territoire et ces galeries.

Autre donnée importante est d’avoir tous les profils de galeries, à la fois historiques comme Jean Fournier, Catherine Putman, mais aussi des galeries établies plus jeunes, comme Loevenbruck ou Christophe Gaillard et des galeries émergentes comme Anne-Sarah Benichou sans doute l’une des meilleures ayant ouvert récemment.

Nous avons aussi renforcé notre collaboration avec les éditeurs comme l’an passé avec URDLA de Villeurbanne éditeurs de multiples et cette année Dilecta à la fois éditeur de livres et des multiples.

Pour résumer 2017 est vraiment pour moi une année de consolidation.

Le prix d’un stand varie entre 8 et 12 000€ HT suivant l’ancienneté de la galerie, la taille..

La scénographie a été redessinée par Dominique Perrault pour être plus lisible mais on a gardé les mêmes modules et le même esprit.

Le triptyque artiste-galeriste-collectionneur le galeriste étant le passeur est au cœur de notre démarche c’est pourquoi il nous a semblé important que les artistes soient impliqués, en en choisissant un dans le comité de sélection chaque année. L’artiste nous est très utile sur toute une série de critères éthiques (promotion des artistes, leur rétribution, le service après vente..) qui nous tiennent à cœur. Je choisis volontairement des artistes ouverts et curieux.

9 lives : Quelles nouveautés pour cette édition ?

S. C. : Nous avons lancé deux invitations à des artistes hors galerie, Dorothée Selz importante historiquement bien qu’assez discrète. Invitée à la Biennale de Venise cette année par Christine Macel où elle a montré ses performances liées aux rituels de la nourriture, dans la mouvance du Eat Art développé avec son compagnon Antoni Miralda depuis les années 60. Elle faisait aussi partie de l’exposition à la Tate Modern « The World Goes Pop » l’année dernière. Nous lui avons commandé deux sculptures comestibles de 5 m de haut piquées de nourriture colorée. Elle s’inscrit dans la mouvance de ces femmes artistes que l’on redécouvre. Le samedi et le dimanche, jours grand public le goûter y sera servi ! Ce sont les deux grands totems de cette édition y compris graphiquement sur les supports de promotion. Pour la petite histoire j’ai été l’assistant de Dorothée Selz il y a 25 ans lors d’un de mes premiers stages chez Lara Vinci.

L’autre artiste invité c’est également très personnel, en la personne d’Erró dont parait cette semaine le livre que j’ai écrit sur lui sur les tableaux chinois et Mao en 1967, un anniversaire célébré par un stand avec le Cercle d’art qui retrace toute la période et les dédicaces du livre.

Nous avons aussi créé un événement spécifique pour les artistes sur invitation, le vendredi soir, l’apéritif avec les artistes. Un moment convivial autour de bières et paniers pique-niques !

9 lives : Développer l’accessibilité à l’art, comment ?

S. C. : Ayant commencé à acheter de l’art depuis l’âge de 15 ans et payé en 12 fois et depuis lors si j’attends d’avoir ce qu’il faut à mon compte pour acheter de l’art je n’achèterais pas grand chose ! Les gens ne savent pas que le paiement échelonné est possible en galerie.

Sur la foire nous avons d’une part la section d’œuvre à moins de 1000€ et nous proposons un paiement possible en 3 ou 4 fois sans frais avec la banque. Système lié à la carte bleue ce qui donne la garantie immédiate à la galerie. Les œuvres sont emballées de suite avec le papier cadeau Galeristes ! On peut donc collectionner à partir de 25€ par mois.

9 lives : Votre collaboration à la Dispute sur France Culture

S. C. : Les deux constantes de mon engagement dans l’art sont la collection et la critique d’art, ce qui peut prendre des formes différentes. Je rebondis selon les opportunités ayant à cœur d’être utile aux artistes. C’est vrai que ces dernières années j’avais beaucoup travaillé dans des maisons de vente étant issu de ce milieu non pas familialement mais à travers Drouot. C’était donc naturel avec ce rapport naturel et physique avec les oeuvres que j’apprécie. Au bout de 7 ans j’en avais fait le tour et d’autre part mon positionnement devenait parfois compliqué pour certains. Cet été Arnaud Laporte m’a proposé de participer à la Dispute, émission hebdomadaire. La radio est un media de masse, j’aime cette idée de parler à un très grand nombre (120 000 auditeurs) et en direct sans aucun filtre. J’ai toujours prôné en tant que critique une grande liberté de ton, dire ce que l’on pense, montrer ses passions autant que ses détestations. Cela amène à décortiquer tous les paramètres de l’exposition (la scénographie, le choix des œuvres, l’accrochage, le catalogue, la médiation..) même si cela reste frustrant comme le cas de l’exposition Gauguin, malheureusement ratée au Grand Palais.

Le plaisir dans l’art c’est de débattre, de pouvoir assumer ses positions, les confronter et le public y est sensible. D’ailleurs ce soir j’inaugure une exposition chez Christophe Gaillard conçue comme un duel critique avec Romain Semeteys (le Chassis), autour de la démarche de Jean-Louis Delbes confronté à Ken Sortais.

INFOS PRATIQUES :
GALERISTES
Le Carreau du Temple
Les 9 et 10 décembre 2017
• Soirée «Premier Cercle» – Jeudi 7 décembre de 17h à 23h
• Accès professionnel – Vendredi 8 décembre de 11h à 18h
• Samedi 9 et dimanche 10 décembre de 11h à 13h
Sur invitation uniquement
Gagnez des invitations avec 9 lives – rendez-vous ici :
http://9lives-magazine.com/29819/2017/12/06/gagnez-invitations-salon-galeristes-2017/
• Ouverture au public le Samedi 9 et dimanche 10 décembre de
13h à 19h
Plein tarif 10 euros
Tarif réduit 5 euros
Carreau du Temple
4 Rue Eugène Spuller

75003 Paris

galeristes.fr
Twitter : @galeristesparis

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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