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Carte blanche à Wilfrid Estève : Les héros ont la vie courte

Temps de lecture estimé : 3mins

Pour sa première carte blanche, notre invité Wilfrid Estève, nous présente en exclusivité – et pour une durée déterminée – la petite œuvre multimédia « Les héros ont la vie courte ». Un projet personnel réalisé au long court…

Je présente la plupart du temps les séries photographiques d’autres auteurs et ai décidé de vous mettre en avant un projet personnel : « Les héros ont la vie courte »
Il a partiellement été présenté à deux rares occasions. En 2018 dans le cadre de la foire de photographie documentaire Photo Doc. à Paris puis à l’occasion du festival international In Cadaques.
Le projet final est une installation qui présente des photographies, des textes, la Petite Oeuvre Multimédia ainsi que des extraits d’un carnet présentés sous la forme d’affiche.
La POM n’est pas visible en temps normal sur internet, vous pourrez la découvrir le temps de la carte blanche.

Les héros ont la vie courte

Une phrase de dix secondes durant laquelle j’ai saisi que ma vie ne sera plus comme avant. Dix longues secondes pour penser à des choses futiles, aux regrets, à l’essentiel. Dix longues secondes pour comprendre que je ne serai plus le père tel que je l’avais imaginé.

1er juillet 2007, Fersen 6 ans et Eva 4 ans, quittent Paris pour vivre à 900 km. La distance qui nous sépare désormais est à la hauteur du lien qui nous lie. Leur mère a toujours beaucoup voyagé, jusque là, cela renforçait la relation que j’entretenais avec mes enfants, mais cette fois son départ nous sépare.

Un projet a alors pris corps. Leur enfance s’entremêlait au souvenir de la mienne et cette séparation, à la mort accidentelle de mon père lorsque j’avais 10 ans. J’ai photographié ce que je ne saurais exprimer autrement, des noeuds qui parfois étranglent ou enlacent.
Restituer cette nouvelle relation a permis un lâcher prise et l’empreinte photographique qui se centrait sur ma vie en leur absence m’a permis de rendre visibles certains aspects jusque-là considérés comme relevant de l’intimité.

Ce projet a rassemblé plusieurs médias. Au-delà de la photographie, réalisée avec différents appareils et formats, il associe aussi des dessins, des textes, des correspondances ainsi que la réalisation d’un carnet. Son titre est une métaphore, mes enfants n’ont pas eu le temps de tuer le père, le héros a eu la vie trop courte.

Le temps a passé sur cette série, débuté il y a 9 ans. Son interprétation constitue un roman familial et une aventure individuelle faite de souvenirs personnels mais aussi de photographies de proches.

Au fur et à mesure de sa réalisation, la série est passée, comme moi, par plusieurs stades : au début elle certifiait d’un contexte, authentifiait des blessures, ratifiait des cicatrices. Puis je n’ai plus photographié « pour l’autre », mais « pour moi ».

Le père n’étant jamais tel qu’on l’imagine, il est condamné à être imparfait et faillible. Cette série révèle peut-être qu’il n’y a que des pères, sujets d’histoires singulières qui, juxtaposées, finissent par dessiner une réalité plus subtile : le père est toujours une mosaïque d’images mêlant réel et imaginaire.

Wilfrid Estève

Une Petite Oeuvre Multimédia de Wilfrid Estève, d’Alice Guerlot-Kourouklis et de Frédéric Labonde
Photographies de Wilfrid Estève ainsi que de Virginie Terrasse et de Guillaume Murat
Dessins de Virginie Terrasse
Montage de Frédéric Labonde
Réalisation sonore, composition et lecture d’Alice Guerlot-Kourouklis
Le texte lu est un extrait de « L’ordinaire du jour », un poème de Rouben Melik
Remerciements à Séda Melik

https://www.instagram.com/wilfrid_esteve
https://www.facebook.com/wilfridesteve

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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