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Coup de Gueule de Christophe Laloi : On a lessivé mon cœur

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Notre invité de la semaine Christophe Laloi, directeur artistique des Voies Off, vient clore sa dernière carte blanche avec un coup de gueule contre la politique culturelle (mais pas seulement) menée en France. La culture doit rester un outil de communication docile. Malgré les coupes drastiques dans ses budgets et le manque de considération de son métier, Christophe Laloi continue de se battre !

Si je devais donner le sentiment qui m’a envahit peu à peu, après 25 ans dans la peau d’un artiste, puis d’un porteur de projet, et enfin comme directeur d’une structure, je livrerais une vision très contrastée. Je n’ai pas choisi le métier que je fais. J’ai plongé dans la vie, pour chercher des réponses à de nombreuses questions, que je partageais avec d’autres. Ces interrogations relèvent de l’individuel, mais aussi du collectif, en tant que biens précieux et à défendre.
Je suis entré dans l’âge d’homme dans les années Mitterrand, époque où l’Etat et sa perception avaient une autre réalité. Nous avons vécu une période où les choix politiques n’enfermaient pas les citoyens dans un rôle de consommateurs abrutis par la culture de masse. Nous sommes en train de vivre les limites d’une civilisation de l’inutile et du superficiel, du fractionné et de la discorde. C’est de plus en plus perceptible, les comportements des groupes sociaux ou professionnels s’expriment comme une manière de se réaliser, quasi communautaire, sans jamais rencontrer l’autre, sans même envisager l’existence d’une frontière. Les communautés se croisent, s’entrechoquent, mais ne se parlent pas.

Cette société de tous les dangers convoque la grande broyeuse, qui à partir de nos vies fabrique de la poudre de perlimpinpin. L’Etat a pris un sacré coup d’embonpoint, il est devenu beaucoup trop cher. Dès lors, nous avons vu éclore des tentatives de le démembrer, de le jeter en pâture, de le liquider purement et simplement, comme on liquiderait une société en faillite. Le niveau de vie de l’Occident est devenu insoutenable ? Qu’à cela ne tienne ! Education, santé, culture, recherche… Jetez-moi tout ça à la cave. Et que les chômeurs traversent la rue pour aller chercher du boulot !

Cela fait 25 ans que je traverse la rue, pour faire vivre la parole, pour convoquer la singularité de la pensée et de la création. Pour lutter contre la mise à sac généralisée de nos dignités, contre le déni d’humanité et le cynisme de la caste qui a pris le pouvoir.
Nous avons laissé à des charlatans les clefs de la boutique. Où est l’intelligence dont nous aurions besoin pour réformer en douceur cette société, qui laisse à genoux celles et ceux qui sont tombés à terre ?

Pour comprendre ces enjeux, la culture en tant que lieu du partage n’est pas nécessaire, elle est primordiale. Mais aujourd’hui, partout, on lui tord le bras pour qu’elle reste à la place qu’on lui assigne : un outil de communication docile. Nous sommes de nombreux professionnels de la culture, qui y croient encore, à ne pas accepter cette rengaine, à regretter les coupes drastiques dans nos budgets, et le manque de considération de nos métiers. Je suis né saltimbanque, j’ai tour à tour amusé ou bousculé mes semblables et j’y ai pris énormément de plaisir. Aujourd’hui je suis en colère. On a lessivé mon cœur, et jeté l’eau au caniveau.

Photographes ! L’appel à candidature pour pour participer aux Prix Voies Off est prolongé jusqu’au 15 avril prochain !

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