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Carte blanche à Didier Bizet : Itinéraire d’une mélancolie

Temps de lecture estimé : 4mins

Pour sa seconde carte blanche, notre invité de la semaine, le photographe et directeur artistique Didier Bizet nous présente son ouvrage publié aux éditions de Juillet. Depuis quelques années, le photographe  s’intéresse à la Russie et aux anciens pays du bloc soviétique. « Itinéraire d’une mélancolie » nous propose un voyage au cœur d’une Russie désenchantée, en quête de sa splendeur perdue.

La Russie est un tout autre territoire qui ne ressemble à aucun autre. La terrible histoire de ce pays continent ne peut que m’émouvoir et m’interroger sur les incroyables stratégies politiques du régime soviétique, sans oublier le laisser pour compte du peuple Russe sous la dynastie des Romanov. Au-delà des écueils sociaux et politiques, l’art, le cinéma et la littérature sont poignants de vérité et significatifs d’un peuple qui agonise depuis des siècles. Il me semble que cette désespérance s’est traduite au fil des années en un sentiment de mélancolie qui accompagne désormais le peuple slave. C’est par ce constat-là que j’ai photographié la Russie, celle du spleen, de la lenteur, et de l’abîme. Après avoir signé un premier livre « Empreinte transsibérienne » aux éditions Critères préfacé par Géraldine Dumbar, c’est avec les Éditions de Juillet que je signe un deuxième livre « Itinéraire d’une mélancolie ». Mes photos n’auraient jamais vu la lumière du jour sans ces auteurs amoureux de la Russie, je pense à Geraldine Dunbar, « Seule sur le Transsibérien », Herbé Bellec « Les sirènes du Transsibérien », Paul Theroux « Railway bazar », Olivier Rollin « Sibérie », Colin Thubron « En Sibérie », Christian Garcin « Du Baïkal au Gobi », Hervé Bentégeat « La Transsibérienne », Blaise Cendrars « La Prose du Transsibérien », mais aussi à Sylvain Tesson, Cédric Gras, Boris Paternak et son émouvant roman « le Dr Jivago ». Mes photographies ont conquis Cédric Gras qui signe avec la justesse qu’on lui connaît la préface de mon dernier livre : « Itinéraire d’une mélancolie est un titre à la fois beau et judicieux. La Russie a été la terre d’asile de toutes les peines de l’âme. L’isolement, la modestie, la dureté de la vie laissent beaucoup de regards songeurs. La langue, là-bas, dit toska : « mélancolie », « spleen ». Il y a de la langueur dans les espaces. En général on s’en défend, on joue la fête pour oublier. On boit. Et puis on se souvient aussi. Il y a de la nostalgie chez ce peuple. Le souvenir de sa grandeur, ou plutôt de sa puissance. Quand le quotidien était sacrifié aux succès de l’URSS ».

Quand la Russie creuse son âme dans la poésie, cela donne une invitation à photographier. Je lis et relis ce texte d’Hervé Bentégeat dans sa Transsibérienne, si cruel de vérité mais si mélancoliquement posé sur le papier. « De nouveau, cette impression d’être hors du temps. Plus d’horaires, plus de jour, plus de nuit. Je traverse des bourgades où rôdent les ombres d’Ivan le Terrible, de Potemkine, de Cholokhov… Tout est délavé. Ce pays aurait besoin d’un grand coup de peinture. Mais j’aime cette Russie vermoulue. J’aime ce tiers-monde occidental, cette Afrique enneigée. Je l’aime pour ces millions de petites gens qui se débrouillent entre la misère et la corruption, entre le vent et le froid, entre la culture et la barbarie, pour ses beautés blondes en fourrure et ses ivrognes fatalistes, pour ses chauffeurs de taxi qui récitent du Lermontov, pour ses savants smicards et ses seigneurs de la guerre, ses vieux-croyants et ses nouveaux riches, ses babouchkas édentées et ses fonctionnaires en demi-solde, ses tigres sibériens et ses cosmonautes… Pays trop vaste, trop rêveur, trop bordélique, pays de bric et de broc, de places Rouges et de marais fangeux, de palais d’Hiver et de palais de vent, de Kremlin et de crèmes tartares, de fleuves-mers et de trains fantômes, de ciels terreux et de steppes célestes, de blizzards et de canicules… »

Cédric Gras.
Saisons du voyage, Stock, 2018.

INFORMATIONS PRATIQUES
Itinéraire d’une mélancolie
Photographies de Didier Bizet
Editions de Juillet
22 x 27 cm, 120 pages
ISBN : 978-2-36510-059-5
35€
https://www.editionsdejuillet.com
http://www.didierbizet.com/

La Rédaction
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