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La MEP consacre une exposition majeure au photographe franco-camerounais Samuel Fosso dont la carrière internationale est marquée par un art de la métamorphose et du questionnement des stéréotypes identitaires. L’ensemble de ses séries ainsi que ses portraits de jeunesse déroulent plus de 40 ans de pratique, l’artiste ouvrant son premier studio à l’âge de 13 ans à Bangui, quand il est recueilli par son oncle après le décès tragique de sa mère et son grand-père au Nigéria.

Samuel Fosso, Autoportrait
Série « 70’s Lifestyle », 1975-78
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Archives du Studio Photo National, studio
photo de Samuel Fosso à Bangui
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Sa vie tient du roman, étant atteint d’une paralysie des jambes incurable selon la médecine occidentale qui sera finalement guérie par son grand-père chef de tribu Igbo et médecin traditionnel. De plus, ses archives brûlées lors de la guerre du Biafra sont miraculeusement sauvées par des membres d’une ONG au bord d’une route. Des épreuves qui expliquent sans doute sa faculté de résilience et de renouveau perpétuel entre tous ces exils : le Cameroun, son lieu de naissance, le Nigéria, la Centreafrique et la France. S’il est exclu par ses parents des albums de famille, l’autoportrait sera sa marque de fabrique et sa revanche. Le parcours ouvre sur des archives inédites de son studio et ses premiers autoportraits dans les années 1970 à 1990 inspirés par les magazines de la pop culture. Des mises en scène aux confins de la norme sexuelle et du genre.

Samuel Fosso, Autoportrait
Série « Tati », La Femme américaine
libérée des années 70, 1997
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Samuel Fosso, Autoportrait
Série « Tati », Le Golfeur, 1997
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Samuel Fosso, Autoportrait
Série « Tati », Le Chef (celui qui a vendu
l’Afrique aux colons), 1997
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Puis l’emblématique série «Tati» réalisée en 1997 à l’occasion de la commande que lui passe le magasin à l’occasion de ses 50 ans ainsi qu’aux photographes William Klein, Sarah Moon, Seidou Keita ou Malick Sidibé…, lui donne l’occasion de nouvelles explorations. Il détourne le prérequis de départ -un studio dans le magasin- pour imaginer des personnages issus de l’inconscient occidental : Le Golfeur, Le Rockeur, le businessman, la bourgeoise… vêtus de vêtements et d’accessoires made in Tati. La série réalisée pour l’édition automne-hiver 1999 du Vogue français est également dévoilée pour la première fois et l’on retrouve ses différents personnages autour des codes de la mode et des archétypes. Avec la série suivante, « Mémoire d’un ami », il s’agit de rejouer un événement traumatique de sa mémoire intime, l’assassinat de son ami et voisin, Tala, par la milice armée Centreafricaine à Bangui. De même avec « Le rêve de mon grand-père » qui convoque les cérémonies de médecine traditionnelle auxquelles il a assisté à l’origine de sa miraculeuse guérison.

Samuel Fosso, Autoportrait
Série « African Spirits », 2008
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Samuel Fosso, Autoportrait
Série « African Spirits », 2008
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Samuel Fosso, Autoportrait
Série « African Spirits », 2008
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Avec « African Spirits » la dimension politique est clairement revendiquée devant ces icônes de l’histoire des indépendances et des luttes des droits civiques, de Léopold Senghor à Mohamed Ali. Une véritable performance et des images volontairement sans légende afin que le public puisse les reconnaître ou pas. Puis avec « Emperor of Africa » il est question d’hommage et de mise à distance également quand il prend la posture de Mao Zedong. Une irrévérence pour dénoncer la prédation de la Chine sur les ressources du continent africain. Il déconstruit un autre mythe occidental : la figure du pape avec « Black Hope » singeant les attributs du pouvoir ecclésiastique résolument non inclusif.

Samuel Fosso, Autoportrait
« Emperor of Africa », 2013
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Samuel Fosso, Autoportrait
« Emperor of Africa », 2013
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Samuel Fosso, Autoportrait
Série « Black Pope », 2017
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

Et pour conclure en forme de bilan comme le souligne la commissaire, la série « SIXISIXSIX » constituée de 666 autoportraits Polaroids d’une grande sobriété au service des multiples sentiments humains qui traversent son visage vieilli en plan serré. Cette série ouvrait le parcours de «À toi appartient le regard et (…) la liaison infinie entre les choses» au musée du Quai Branly en 2020. Un effet introspectif magistral servi par une économie d’artifices totalement à contre-courant comme pour nous déstabiliser et faire prendre conscience de son immense talent de prestidigitateur.

Samuel Fosso, Autoportrait
Série « SIXSIXSIX », 2015
© Samuel Fosso
courtesy Jean-Marc Patras / Paris

L’exposition fait l’objet d’une itinérance internationale et sera notamment présentée à Huis Marseille à Amsterdam et à la Walther Collection à Neu-Ulm, Allemagne.

Le Studio de la MPE se met au diapason avec l’installation Swinguerra des artistes Bàrbara Wagner & Benjamin De Burca (pavillon brésilien de la Biennale de Venise de 2019), à ne pas manquer également lors de votre visite. Autres propositions à suivre.

Publication : les éditions Steidl publient la version française du livre Autoportrait, premier ouvrage monographique dédié à l’artiste.

La MEP a le plaisir de s’associer avec SNCF Gares & Connexions pour faire découvrir au plus grand nombre deux des récentes séries de l’artiste.

La première série, « ALLONZENFANS », présentées sur les totems installés devant l’entrée de la Gare de Lyon, est un hommage de Samuel Fosso aux « tirailleurs sénégalais », nom donné aux centaines de milliers de soldats issus des colonies françaises sur le continent africain partis se battre aux côtés des armées françaises pendant les deux Guerres mondiales. La Gare de Lyon, qui a dans l’Histoire de la France vu partir de nombreux combattants rejoindre le front en train, est un lieu symbolique qui prend ici tout son sens. Dans la seconde série, « SIXSIXSIX », visible sur les palissades de chantier situées au début du parvis, Samuel Fosso livre une étude précise de différents sentiments qui le traversent, comme évoqué plus haut.

Ces deux accrochages, présentés en extérieur, sont librement accessibles à tous les visiteurs et passagers de la Gare de Lyon et ses abords jusqu’au 15 décembre 2021.

INFOS PRATIQUES :
Samuel Fosso
Du 10 novembre 2021 au 13 mars 2022
Maison européenne de la photographie
5/7 rue de Fourcy
75004 Paris
Tous les jours sauf lundi et mardi. Mercredi et vendredi 11h-20h. Jeudi 11h-22h. Samedi et dimanche 10h-20h
Tarifs : 10 € / 6 €
La MEP – Expositions, Collections, Visites commentées, Contenus en ligne.

mer10nov(nov 10)11 h 00 min2022dim13mar(mar 13)20 h 00 minSamuel FossoPhotographiesLa Maison Européenne de la Photographie, 5/7 Rue de Fourcy 75004 Paris

dim10oct(oct 10)11 h 00 min2022dim16jan(jan 16)20 h 00 minSwinguerraBarbara Wagner & Benjamin de BurcaLa Maison Européenne de la Photographie, 5/7 Rue de Fourcy 75004 Paris

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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