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Ouverture de galeries, d’artist-run-spaces, d’espaces de résidences, de collections.., Bruxelles ne cesse d’élargir son écosystème fertile. A l’occasion de
la nouvelle foire The Rooms qui a réuni une quarantaine de galeries art + design au sein du bâtiment emblématique Mix Hôtel sous l’impulsion du galeriste Sébastien Janssen (Sorry We’re Closed) et du marchand Patrick Mestdagh (Galerie Patrick & Ondine Mestdagh), passage en revue des incontournables de la scène belge qui garde son authenticité et continue d’attirer les talents du monde entier.

The Mix-Brussels Outdoor Credit Joly Agency

Des musées et institutions : plongée dans les immanquables

Bozar. BelgianArtPrize 2025 : Suchan Kinoshita, lauréate

Germano-japonaise, Suchan Kinoshita (Nadja Vilenne galerie) s’est d’abord formée en musicologie et en théâtre, les questions du display et du performatif sont essentielles dans ses installations. Entre instabilité et carottage, le rythme et le détournement, un paysage se dessine. A la foire le BelgianArtPrize a fêté ses 75 ans avec une exposition dédiée « Back to the future ».

Berlinde De Bruyckere, Arcangelo III (San Giorgio), 2023–2024, 2024, wax, animal hair, silicone, iron, epoxy. Courtesy the artist and Hauser & Wirth
Photo: Mirjam Devriendt

When We See Us.
Un panorama panafricain exceptionnel à l’initiative du Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (MoCAA) à Cape Town autour d’un autre regard sur les communautés diasporiques, dont l’itinérance européenne ne s’arrête qu’à Bruxelles. Hommage spécial à Koyo Kouoh, commissaire de l’exposition et dont le décès brutal et récent à l’âge de 57 ans met tout le monde de l’art en émoi. Les témoignages pleuvent alors qu’elle devait orchestrer la prochaine Biennale de Venise.

Zoé Gray, commissaire générale propose également l’exposition Familiar Strangers, les Européens de l’est d’un point de vue polonais.

Sans oublier la turbulente artiste flamande Berlinde de Bruyckere, dans le prolongement de son projet pour la Biennale de Venise.

Lionel Pennings Le Casse 2025, Botanique courtesy l’artiste

Relire l’interview avec Zoé Gray en cliquant-ici.

Ethel Lilienfeld, EMI, (still) Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains Coproduction La Fédération Wallonie-Bruxelles, 2023.

Botanique : Ethel Lilienfeld et Lionel Pennings

Ethel Lilienfeld présente EMI, un projet hybride associant vidéo, produite par Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains et dispositifs numériques, au sein de la galerie du Botanique.

Ces dernières années, un nouveau type d’influenceurs a fait son apparition et gagne en visibilité : les influenceurs virtuels. Entièrement générés par ordinateur, ces avatars au style soigné disposent chacun d’une identité propre, construite autour de récits et d’univers diffusés sur plusieurs plateformes. Toujours connectés, disponibles à toute heure, ils incarnent une forme d’influence parfaitement adaptée à l’économie numérique actuelle. Dans un marché virtuel en pleine expansion, leur potentiel ne cesse d’attirer l’attention.

EMI est un projet hybride qui prend la forme d’un court-métrage et d’une page web, proposant une expérience à la croisée du cinéma et du numérique.

Derrière son esthétique soignée, EMI explore les mécanismes croissants de capitalisation du corps à l’ère numérique. Le projet nous entraîne dans une zone d’ambiguïté, où s’entrelacent beauté et malaise, réalité et artifice, vie et simulacre.

EMI a été présenté dans le cadre de l’exposition Panorama 25, le Fresnoy.

Pour sa nouvelle exposition présentée dans les Serres du Botanique, Lionel Pennings s’empare de l’esthétique du cambriolage en la réinterprétant comme une œuvre sculpturale à part entière. Intitulée Le Casse, l’exposition s’inspire des récits de braquages et des films de casse qui ont façonné l’imaginaire collectif du vol, pour en proposer une lecture à la fois poétique et teintée d’humour.

Le projet s’articule autour de plusieurs axes de réflexion : signalétique de l’espace, vitrines d’exposition, dispositifs d’accrochage ou encore objets symboliques du cambrioleur. Ces éléments se rencontrent dans une mise en scène audacieuse où matériaux, formes et échelles se croisent et brouillent volontairement les limites entre fonction réelle et fiction.

À travers cette expérience plastique du vol, Le Casse déploie un langage visuel ludique et critique. Vitrines fracturées ou conçues pour l’être, outils d’effraction, bas-reliefs en pierre : chaque pièce devient un artefact narratif, jouant sur les tensions entre conservation et transgression, entre musée et scène de crime.

https://botanique.be/fr/exposition/vernissage-emi-ethel-lilienfeld-2025

Vue d’exposition Mitja Tusek & Bertille Bak – Wait and See, Centrale, 2025 g Ph : Philippe De Gobert

La Centrale : Bertille Bak et Mitja Tušek

Vue d’exposition Mitja Tusek & Bertille Bak – Wait and See, Centrale, 2025 g Ph : Philippe De Gobert

Mitja Tušek ou l’art du flou

Le travail pictural de Mitja Tušek, peintre slovène établit en Suisse, se déploie à travers des tableaux et des séries profondément ancrés dans l’histoire de l’art et la culture européenne, du Moyen Âge à James Ensor, en passant par les tests de Rorschach, dont les formes évoquent la multiplicité des perceptions et des interprétations visuelles. Jouant habilement des frontières entre figuration et abstraction, ses œuvres naviguent entre les deux.

L’usage de matériaux tels que la cire, le plomb ou les pigments d’interférence contribue à cette ambivalence visuelle autour d’une matérialité rendue plus tangible.

Vue d’exposition Mitja Tusek & Bertille Bak – Wait and See, Centrale, 2025 g Ph : Philippe De Gobert

Des séries de toiles de grand format témoignent de la richesse formelle de sa pratique. En s’attachant à l’infime fragment, jusqu’au pixel agrandi, Mitja Tušek interroge l’image, son double, le médium et sa texture. Par couches successives, déposées au fil des années, il compose des œuvres denses où la matière devient langage.

Le peintre invite la vidéaste française Bertille Bak qui investigue différentes communautés et interroger les inégalités sociales Nommée au Prix Marcel Duchamp 2023 elle a bénéficié l’année suivante d’une grande exposition au Jeu de Paume : « Abus de souffle ».

Le dialogue se joue au niveau du régime de l’image.

https://centrale.brussels/expos/mitja-tusek-bertille-bak

Exhibition view « Thresholds, Doors, Portals… » curator Ariane Sutthavong. Cloud Seven Courtesy Hugard & Vanoverschelde

Cloud Seven : « Thresholds, Doors, Portals… »

La commissaire Ariane Sutthavong est partie de la collection de Frédéric de Goldsmith pour interroger ces moments d’entre-deux, de suspens, de fragilité comme forces de résistance dans des œuvres où le protocole et le regard du visiteur tient une grande place.

A partir de l’essai de Mark Fisher « The Weird and the Eerie » (le bizarre et l’étrange), qui revendique l’étrange comme expérience esthétique entière et sensation brute, cette traversée du miroir part du motif du seuil comme espace de révélation et d’apparition de l’image. De la rupture et du transitoire comme forme d’accomplissement.

Exhibition view « Thresholds, Doors, Portals… » curator Ariane Sutthavong. Cloud Seven Courtesy Hugard & Vanoverschelde.

Avec : Marc Buchy, Sten Ceulemans, Valère de Meeûs, Nathalie Muchamad and Angyvir Padilla were invited to present artworks alongside pieces in Frédéric de Goldschmidt’s collection by Francis Alÿs, Claire Andrzejczak, Babi Badalov, Elena Bajo, Charles Baudelaire, Mel Bochner, James Scott Brooks, Ting-Jung Chen, Gaëlle Choisne, Lionel Dury, Stefano Faoro, Esther Ferrer, Nadia Guerroui, Mona Hatoum, Tarek Lakhrissi, Violeta Mayoral, Walid Raad, Jamie Reid and Martin Sexton, Trevor Yeung.

http://www.cloudseven.be

Vue de l’exposition Eva Nielsen « Aster » La Verrière © Isabelle Arthuis – Fondation d’entreprise Hermès

Eva Nielsen à La Verrière, Fondation d’entreprise Hermès

C’est sans doute l’une des propositions les plus abouties de Joël Riff, commissaire de la Verrière autour de l’artiste franco-norvégienne Eva Nielsen et du designer belge Arnaud Eubelen. Un solo show augmenté selon la formule désormais consacrée où il est question de vertige, d’éblouissement, de sidération, de porosité des regards et de la peinture. Eva Nielsen qui fait partie actuellement de l’exposition collective « Dans le flou » au musée de l’Orangerie donne une réponse magistrale au lieu.

Lire l’interview avec Eva Nielsen en cliquant ici.

https://www.fondationdentreprisehermes.org/fr/projet/exhibitions-verriere-hermes-bruxelles-2025

ARGOS center for audiovisual arts

« Solace » est une exposition collective qui explore la capacité à trouver du réconfort au cœur des tumultes intérieurs et extérieurs. Elle propose une plongée intime dans l’un de nos refuges les plus instinctifs et puissants : un espace de résilience, de soin et de force, qui nous soutient face aux épreuves individuelles et collectives, à l’angoisse comme à la détresse.

Bien que ces instants de réconfort puissent sembler minimes, éphémères, voire anodins, l’exposition cherche à révéler leur potentiel radical. Notre quête de consolation — qu’elle soit physique ou métaphysique — devient un acte de résistance, non seulement face à nos luttes intérieures, mais aussi face aux systèmes d’oppression et d’injustice. Solacenous invite à nous réapproprier cette force intérieure que nous portons tous en nous, et à reconnaître son importance et son pouvoir transformateur.

Avec : Lázara Rosell Albear, Alice Brygo, Emily Vey Duke and Cooper Battersby
Mekhitar Garabedian, Sohrab Hura, Neozoon, Jayce Salloum, Grace Zhang

https://www.argosarts.org/event/solace

ISELP, Reminiscences

Réminiscences est une invitation à un voyage à travers le temps. L’exposition présente des artefacts – des objets façonnés par l’être humain – qui semblent issus de recherches non datées. Intemporels et énigmatiques, ces fragments proviennent d’histoires croisées ou imaginées. Récupérés ou réassemblés, ils composent un parcours narratif nous transportant d’une époque à une autre. Une multitude de récits se cachent sous les strates accumulées, attendant d’être déchiffrés.

Dans cette exposition, les démarches de dix artistes brouillent les frontières conventionnelles, passant de l’objet au sujet, de l’humain à l’animal, de l’Histoire aux histoires personnelles. Certains font appel aux civilisations antiques ou africaines, à travers la statuaire et les images qui leur sont associées, évoquant à la fois leur grandeur et leur déclin. D’autres mettent en contraste la nature et la culture, soulignant la tendance humaine à dominer son environnement. Enfin, plusieurs pratiques s’attachent à la préservation et au soin des objets, inséparables des souvenirs ou de l’imaginaire qu’ils portent.

Avec : Lauriane Belin – Hélène Bellenger – Hadrien Bruaux – Jot Fau – Nicolás Lamas – Rokko Miyoshi – Jonas Moënne – Hanna Råst – Oriane Thomasson – Anna Safiatou Touré

https://iselp.be/evenement/reminiscences

Du côté des collectionneurs …

Exhibition view VOR Islandic Ambassy x Huet-Repolt artistic residency

François Huet et la résidence d’artistes Huet-Repolt

François Huet et Odile Repolt ont fondé la résidence d’artiste éponyme dans le quartier de Watermael qui propose 2 mois de création dans un élégant loft au milieu de la nature. Je rencontre François à l’occasion de l’exposition collective VOR organisée avec l’Ambassadeur d’Islande à Bruxelles Kristján Andri Stefánsson et le commissaire et artiste Gauthier Hubert. Il revient à son parcours de collectionneur iconoclaste dans le sillage de ses amis de jeunesse à Dijon sa ville d’origine, les futurs fondateurs du Consortium.

Relire l’interview avec François Huet (en cliquant ici) et l’artiste Silja Hubert, VOR exposition (en cliquant ici)

https://www.residencehuetrepolt.org

Eté 78

A l’initiative d’Olivier Gevart, lui-même collectionneur l’espace de mécénat Eté 78, propose une mise en regard de trois collectionneurs depuis 2014, sous forme de carte blanche. Cette 12ème édition réunit les collectionneurs Frederick Gordts (Belge) et Tristan Trémeau(France). C’est Frederick Gordts rencontré dans le cadre du parcours Off de la foire, qui me fait découvrir cette initiative.

Avec : Aleksandra Chaushova, Leo Copers, Ronny Delrue, Yuna Denis, Els Dietvorst, Olafur Eliasson, T.R Ericsson, Antony Gormley, Kupka, Magritte, Hana Miletic, Zoran Music, Piranèse, Clothilde Sourdeval, Pierre Tal Coat, Edouard Trémeau, Nina Tomas et Philippe Van Snick.

Panoptès Collection

Dans la mythologie grecque Panoptès ( « celui qui voit tout ») était une attribution au géant Argos doté de 100 yeux d’une grande vigilance.

Créée en 2015 par Émilie De Pauw et développée en collaboration avec Anne-Hélène Decaux, cette collection se consacre au minimalisme perceptuel. Elle a pour vocation de conserver et de présenter des œuvres, de soutenir les artistes et les chercheurs, et de partager ses axes de recherche auprès d’un large public, dans le but de contribuer à une meilleure compréhension de cet art.

Portée par une approche phénoménologique, la collection rassemble des œuvres issues de divers courants tels que le minimalisme, le post-minimalisme, l’art optique, le mouvement Light and Space, l’abstraction géométrique, l’art néo-concret et l’art environnemental. Superbe scénographie qui invite à percevoir autrement dans ce bel hôtel particulier.

Alizée Loubet, Reset Atelier photo Hugo Boutry

Artist-run-spaces : a step forward

Avec le collectif WillieWillie qui investit Reset Atelier, bâtiment abritant traders et fonctionnaires de l’élégant quartier de la cathédrale, ce sont une quinzaine d’artistes belges et français réunis qui à l’occasion d’Art Brussels proposent l’exposition collective Somewho We Did It. Rencontre avec quelques-uns d’entre eux que j’ai interviewés : la française Alizée Loubet et le belge Walter Wathieu. Prochainement ils organisent une foire alternative qu’ils nomment « Artist- run-fair » en invitant des collectifs européens sur une durée de 4 jours. Un beau défi ave comme mentor Aline Bouvy.

Autres collectifs : Asifose, Espace Triphasé …
https://artbrussels.com/off-programme/artist-curator-run-spaces/

Du côté des galeries :

Christophe Gaillard avec l’exposition collective Tangible/Intangible, Rodolphe Janssen avec Thomas Lerooy, Mendes Wood DM avec Bendt Eyckermans, TEMPLON avec l’artiste iranienne Nazanin Pouyandeh, Xavier Hufkens autour de Nathanaëlle Herbelin, Irène Laub avec José Pedro Croft et la nouvelle galerie KIN, tout près de Bozar.

Suivre l’actualité des lieux, galeries…
le programme Off Art Brussels :
https://www.artbrussels.com/off-programme
https://neca.brussels

Organiser votre venue à Bruxelles :
https://www.visit.brussels/fr/visiteurs
https://www.eurostar.com/fr-fr/voyage/en-route/en-gare/bruxelles-midi

 

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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