EvénementsPhoto

Laia Abril à la Maison des métallos : Une exposition boudée par les hommes ?

Temps de lecture estimé : 5mins

Cela faisait deux ans que nous l’attendions à Paris, et grâce à la Maison des Métallos et à Médecins Sans Frontières, c’est chose faite : l’incontournable exposition « On Abortion, L’avortement, Une Vulnérabilité Universelle » de Laia Abril est visible jusqu’au 9 décembre prochain ! Si vous ne deviez voir qu’une seule exposition ce mois-ci, c’est sans conteste celle qu’il faut aller visiter ! Elle vous bouscule, vous percute, cette exposition vous fera enrager…

Laia Abril, Maison des Métallos, novembre 2018 © Ericka Weidmann / 9 Lives

Où sont les hommes ?

Incroyablement bien pensé et formidablement bien réalisé, ce travail est le premier chapitre d’une série consacrée à l’histoire de la misogynie. L’exposition de ce volet sur l’avortement avait été présentée lors des 46èmes Rencontres d’Arles en juillet 2016. Il avait provoqué bon nombre de réactions au sein de la profession à l’occasion de la semaine d’ouverture, tout le monde en parlait, c’était l’exposition incontournable à voir dans la fournaise des ateliers. Tout le monde en parlait ou presque… puisque les hommes semblaient ne pas avoir été touchés de la même manière, pire, elle semblait même passée complètement inaperçue. C’est en en discutant en terrasse et dans les ruelles arlésiennes que la gente masculine s’interrogeait avec étonnement de ne pas avoir « vu » cette exposition. Curieuse de ce phénomène, je décidais donc de me rendre à nouveau au Magasin électrique, pour voir le comportement des visiteurs… Et le résultat fut surprenant, le public féminin se pressait, intrigué devant les textes et les œuvres, alors que le public masculin (une forte majorité) gardait une distance, comme si un fil invisible leur bloquait l’entrée ! Et pour le peu qui avait vu l’exposition, un sentiment d’incompréhension et de distance les enrobaient… J’y ai entendu de mes oreilles « heureusement l’avortement n’existe plus en France! », phrase prononcée de la bouche d’un rédacteur en chef, dont je tairai le nom…

Lors de l’inauguration presse de l’exposition parisienne, même constat : le public est essentiellement féminin. Seul un homme se tient un peu en retrait… Je me permets de le questionner sur son identité : est-ce un journaliste, un visiteur ? Il s’avère être un collaborateur de Laia Abril et se surprend lui-même à être le seul homme de toute l’assemblée.
Alors cette exposition est-elle boudée par les hommes ? Est-ce conscient ou pas ? N’avons-nous pas oté cette problématique aux hommes, pensant que l’avortement était une histoire de femmes uniquement ? Pourtant ce sujet est l’affaire de tous : hommes et femmes réunis.

Une adaptation parisienne augmentée d’une commande de MSF

Maison des Métallos, novembre 2018 © Ericka Weidmann / 9 Lives

L’exposition « On Abortion, L’avortement, Une Vulnérabilité Universelle » présentée à la Maison des métallos tente de documenter et conceptualiser les risques encourus par les femmes du monde entier qui n’ont pas accès à l’IVG. Rappelons les faits : chaque année, dans le monde, 20 millions de femmes interrompent leur grossesse dans des conditions dangereuses voire mortelles à cause de la clandestinité à laquelle elles sont contraintes. Ce sont d’ailleurs 47.000 femmes qui meurent des suites d’avortements risqués et illégaux. Soit plus de 120 par jour ! Des morts qui devraient être évitées !

Maison des Métallos, novembre 2018 © Ericka Weidmann / 9 Lives

On débute l’exposition avec une série d’objets photographiés sur les méthodes de contraception historiques et abortives : préservatifs en vessie de poisson chat utilisés jusqu’au XIXe siècle, solution contraceptive à base de citron, kits pour effectués des avortements illégaux, la tristement célèbre aiguille à tricoter… avant de laisser place à une série de témoignages effrayants accompagnés de portraits de femmes et d’objets… Dans son exposition, Laia Abril aborde un éventail de faits qui se déroulent chaque jour aux quatre coins du monde comme l’avortement et la stérilisation forcés en Chine, l’abandon de nourrissons en Pologne, le syndrome congénital du virus Zika en Amérique du Sud, de la maternité précoce – avec ce témoignage précieux d’Inocencia, 9 ans, au Nicaragua, tombée enceinte suite au viol de son père… Et une installation composée d’objets réels, de photographies et d’enregistrements sonores recueillis sur différents continents. Enrichie de témoignages collectés auprès de personnels soignants de MSF, elle questionne le visiteur et met au jour une série saisissante de déclencheurs sociaux, de stigmates et de tabous autour de l’avortement.

Aujourd’hui, cette exposition est présentée dans un pays qui a légalisé l’IVG depuis 43 ans, cela n’en reste pas moins un sujet tabou et controversé dans le pays des droits de l’homme. N’y a t-il pas des gynécologues qui refusent de procéder à ces interventions ? N’y a t-il pas de la violence gynécologique et des procédés de culpabilisation auprès des patientes ? Notre pays a échappé à l’expertise de l’artiste, mais nous pouvons encore rougir de la manière dont certaines pratiques subsistent.

Il reste très peu de temps, courrez-y !

INFORMATIONS PRATIQUES

Missing Event Data
Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

You may also like

En voir plus dans Evénements