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Ainsi la sexualité des femmes guadeloupéennes ou les rituels thérapeutiques interagissent dans ce labyrinthe mouvant à l’image de cette fleur de bananier, la musa qui donne son titre à l’ensemble. Le corps du spectateur engagé dans un cheminement ardu participe alors au rituel de dévoilement des différentes strates de l’Histoire. Ces zones d’ombre qui restent prisonnières et parasitent notre présent jusqu’à se dévoiler dans des brèches, des failles. A l’heure des grandes prises de consciences collectives que nous traversons les gestes et la pensée de Minia Biabiany autour de la question décoloniale et d’un ordre masculin dominateur trouvent ici un écho singulier. Guillaume Désanges est revenu sur les fondamentaux qui l’animent autour d’une vision écologique du commissariat et les questionnements soulevés par la crise sanitaire sur l’écosystème de l’art. Comment avez-vous vécu le confinement et quel a été son impact sur vos projets ? Comme beaucoup, j’ai vécu ce moment inattendu en passant par une phase de sidération, puis d’adaptation et progressivement de réflexion. Mon économie personnelle n’a pas été trop fortement impactée : des projets reportés comme cette exposition de Mimia Biabiany ici à La Verrière et deux autres projets ajournés mais pas annulés. J’ai été plutôt privilégié car pour beaucoup d’autres cela a été très difficile et ce n’est toujours pas terminé. Dans le monde de l’art en particulier, des vulnérabilités qui existaient déjà se sont révélées et deviennent plus aigües, concernant certains artistes, notamment de jeunes artistes, des étudiants. J’en sais quelque chose car j’enseigne en école d’art. Beaucoup d’acteurs économiques du monde de l’art sont touchés et pas forcément ceux dont on se doute le plus de la fragilité. Cela nous concerne tous et nous oblige à réfléchir à la fois à ce que l’on fait et à la manière dont on le fait. En quoi la démarche de Minia Biabiany, rejoint-elle les enjeux de « Matters of Concern | Matières à panser » ? Le travail de Minia Biabiany a de nombreux points de résonance avec les questionnements de ce cycle. C’est d’abord un cycle qui s’intéresse à une manière écologique d’envisager le commissariat d’exposition, et Minia travaille beaucoup sur des relations aux plantes, à la nature, à la guérison, à des thérapies alternatives aux connaissances et savoirs dominants. Ce cycle interroge aussi un certain « désordre ». Il y a des ordres existants, des hiérarchies dans l’art comme ailleurs et aujourd’hui beaucoup de pensées à la croisée du féminisme, de l’écologie et des causes minoritaires contestent contre toutes les formes, parfois invisibles, de domination. Dans cette perspective, le travail sculptural de Minia présente des objets dont le statut est glissant. Des objets à admirer et observer mais aussi à toucher, manipuler et qui ont également des fonctions thérapeutiques, mémorielles ou politiques. Tous ces statuts différents de l’objet renvoient à ce que je cherche à pointer dans ce cycle, à savoir, envisager l’exposition comme un écosystème et un dépassement possible des oppositions, des hiérarchies ou des dominations dans l’art. Comment avez-vous rencontré Minia Biabiany ? J’ai découvert son travail à travers un artiste dont elle est proche, Julien Creuzet avec lequel j’avais travaillé à Chicago en 2017 dans le cadre du programme « Méthode Room », que j’ai créé avec le soutien de l’Ambassade de France. Julien à qui j’avais proposé d’inviter quelqu’un avait suggéré Minia qui à l’époque était en Guadeloupe et qui était venue à Chicago pour une exposition conjointe. Quelles initiatives de solidarité vous ont semblé pertinentes pendant cette période (à Paris et Bruxelles) ? Il y a eu beaucoup d’initiatives visibles mais aussi invisibles. J’ai eu des échos du projet « State of the Art Relief Fund» une initiative simple et efficace qui consistait à organiser une rencontre entre ceux qui ont des moyens et ceux qui ont des besoins à travers une cagnotte, un compte en banque que l’on alimente peu à peu et qui répond à différentes demandes. En France il y a eu notamment le Fonds de soutien de la Fondation Antoine de Galbert suivie d’autres initiatives moins visibles qui ont aidé j’espère les artistes à pouvoir passer cette période. Ce genre de crise fait ressortir des réalités simples et concrètes : deux mois de report de projets peuvent suffire à mettre les artistes dans de grandes difficultés. Il serait intéressant de ne pas oublier ces questionnements par la suite. Quel sera le prochain artiste invité à la Verrière ? La prochaine artiste est américaine, Barbara Chase-Ribout sculptrice qui vit à Paris depuis les années 1960 a été très peu montrée en France et en Europe malgré une carrière reconnue aux Etats-Unis. C’est une personnalité exceptionnelle : sculptrice mais aussi dessinatrice, écrivaine, poète. Elle dépasse les barrières qui assignent trop souvent le travail artistique dans une catégorie. Son travail très fort rejoint par ailleurs les préoccupations de Minia Biabiany sur les questions liées à l’esclavage et la diaspora africaine, puisque Barbara reste très marquée par cette culture des mouvements politiques des années 1960 pour les droits civiques aux USA qui ont beaucoup nourri son travail de poésie, de littérature, mais aussi de sculpture. Pensez-vous que notre rapport à l’art change durablement à l’issue de cette crise ou les bonnes résolutions seront -elles vite rattrapées par la nécessité économique ? Impossible de répondre de manière catégorique tant les temps sont incertains. Il y a deux manières d’envisager cette question : idéale ou plus pessimiste. Je dirais d’abord selon mon pessimisme naturel qu’une grande partie du monde social, et économique en général, n’a qu’une envie qui est de retourner le plus vite possible au monde d’avant. Pas tant pour des raisons destructrices que parce que beaucoup ne savent pas inventer autre chose. On voit tout de suite comment on pourrait vite tourner la page et reprendre comme avant les mêmes méthodes de travail. L’autre réponse est plus optimiste et pas forcément liée à la crise récente. Certains questionnements écologiques au sens large sont en germe depuis longtemps et ce n’est pas pour rien que beaucoup d’artistes, d’institutions, de commissaires dont je fais partie tentent de prendre cette question en charge en essayant de travailler différemment. Des questionnements qui renvoient au bien fondé de faire voyager des oeuvres en permanence, à la logique de faire toujours plus, aux nécessités de privilégier des circuits courts aussi dans le domaine du commissariat d’exposition et de la création. J’espère que ces engagements vont se poursuivre et suis très heureux de travailler avec des artistes comme Minia Biabiany qui fait partie d’une génération qui est en phase avec cette prise de conscience générale. Une génération qui s’intéresse à des savoirs et des méthodes alternatives, non pas dans un régime catastrophiste, non pas même pour s’opposer, mais pour construire de manière plus affirmée et naturelle avec un esprit différent. INFOS PRATIQUES : Minia Biabiany, Musa Nuit Jusqu’au 5 septembre 2020 Cycle “Matters of Concern | Matières à panser La Verrière Bruxelles, Belgique https://www.fondationdentreprisehermes.org/ A LIRE : Babi Badalov à la Verrière, fondation d’entreprise Hermès : la voix de la dissidence Rencontre avec Camille Blatrix à la Verrière de Bruxelles Guillaume Désanges, Matières à panser, La Verrière Hermès, Bruxelles Rencontre avec Guillaume Désanges à la Verrière Hermès Bruxelles Jean-Luc Moulène à la Verrière Hermès, Bruxelles « Somewhere, Two Planets Have Been Colliding for Thousands of Years », Dora Garcia à la Verrière Hermès, Bruxelles Douglas Eynon & Erwan Mahéo, arpenteurs du réel à la Verrière Hermès Favori0
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