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Ambra Senatore, Les fragments inconscients

© Rita Cigolini
Temps de lecture estimé : 2mins

On ne présente plus Ambra Senatore. Son nom résonne comme un film à l’italienne. Figure réjouissante de la danse contemporaine française nouvellement installée à Nantes en tant que directrice du Centre chorégraphique national. Et pourtant… Italienne, Ambra Senatore l’est jusqu’au bout de ses longs cheveux, qu’elle porte comme un souvenir de sa jeunesse. A propos de sa nouvelle pièce en forme de synecdoque plurielle, Pièces, nous l’avons rencontré, en studio, au plus près de son processus de création, partagé avec des interprètes emblématiques et généreux.

Cinq danseurs, trois femmes, un homme et un comédien forment la trame d’un espace fictif quotidien. Une intrigue manquante, figurée par des carrés de lumière, raconte les pièces d’une maison, avec un mobilier familier à nos mémoires particulières. Ni décor de cinéma, ni plateau de danse, l’espace est déjà peuplé. Ambra Senatore et ses danseurs construisent l’espace à partir de ce qui fonde le cœur de notre vécu : le temps. Comme un profil étrusque qui raconte mille choses au delà de son seul visage, sa danse porte en elle les traces d’une vie kaléidoscopique.

Les corps dansants et parlants, comme une condensation du cinéma muet dans le présent, proposent une danse du miroitement, qui construit un espace où nos intelligences et nos fictions ont leur place. Elle cherche, avec ses « grandes impros », une manière de faire resurgir la spontanéité sous une forme cristale. Deleuze fait de l’image-cristal une « présentation pure du temps », d’un temps qui, lorsqu’il se réfléchit dans un circuit cristallin, échappe à la linéarité pour faire coexister l’actuel et le virtuel, le réel et l’imaginaire, le vrai et le faux. Rebours et pressentiment, les gestes amplifient et démultiplient leur présence, dans une interaction mystérieuse entre quotidien et distorsion du réel.

Mutine, Ambra nous met sur la piste d’une danse qui ne dit pas son nom. Qui nous raconte les endroits du resurgir et parle du temps qu’il fait, au creux de nos vies. L’inconscient collectif a une place centrale dans le travail. Un danseur qui crie « Femme ! », un chat qui revient à la vie, un lieu qui n’existe pas au Japon…

Peux-t-on échapper à son histoire et raconter l’histoire de tous ? A moins que le réel ne soit fait pour être mis en pièces !


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Marjory Duprés
Marjory Duprés est chorégraphe, rédactrice et directrice artistique de la Cie Jours dansants qu'elle fonde après un cursus transdisciplinaire en sciences humaines (sciences politiques, anthropologie, ethnoscénologie). Elle se forme en danse contemporaine à Lyon puis intègre l'Institut des RIDC de Françoise et Dominique Dupuy à Paris. Son parcours est jalonné par des rencontres avec de nombreux chorégraphes dont Susan Buirge, Christine Gérard, Nathalie Pernette, Ambra Senatore, Loic Touzé, Lia Rodriguez.... Elle séjourne à plusieurs reprises en Inde du Sud où elle effectue une recherche sur les arts et les formes de réinvention de la tradition, la danse classique tamoule, le Bharatanatyam et lʼart martial kéralais, le Kalarippayyat. En parallèle, elle collabore avec des revues d'art, avec le site Mowwgli.com et coordonne des projets en lien avec les nouvelles écritures transmédia (scène, mondes sonores, film de fiction ou documentaire, web, radio, installations et autres techniques mixtes).

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