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Edition Belge d’Art [ ] Collector : Interview croisée Jacques Deret et Valérie Bach

Temps de lecture estimé : 9mins

C’est à l’occasion d’une journée à Bruxelles que Jacques et Evelyne Deret nous dévoilent l’exposition 5×2+1 ouvrant un nouveau chapitre d’Art [ ] Collector. Jacques Deret s’est prêté au jeu de l’interview croisée avec Valérie Bach, chacun revenant sur les jalons et enjeux d’un tel projet.

9 lives : Rappel philosophie d’Art [ ] Collector et genèse du projet 5×2 + 1

Jacques Deret : Nous sommes arrivés à un choix de 10 artistes en 5 ans, portés par les représentants du comité de sélection d’Art [ ] Collector, renouvelé chaque année pour partie. Depuis la création de ce projet de soutien aux artistes par des collectionneurs, nous avons redéfini les règles et critères de choix des lauréats Art [ ] Collector : un artiste collectionné, français ou travaillant en France, la quarantaine environ, chaque artiste bénéficiant d’une exposition personnelle au Studio du Patio Opéra en collaboration avec leurs collectionneurs qui prêtent des œuvres et écrivent dans le catalogue.

Nous ne voulions surtout pas d’un énième club de collectionneurs !

Une des raisons principales de la création d’Art [ ] Collector est le constat du manque de soutien des artistes français en France et encore moins à l’étranger. Nous avons donc pris le contre-pied de ce constat, ne choisissant que des artistes français avec, depuis le début, la volonté d’exporter la démarche à l’extérieure de l’hexagone une fois notre crédibilité assurée.

Particularité pour les 10 ans, à l’occasion de l’exposition 5×2 à Paris, un portfolio a été produit, dans l’atelier de Michael Woolworth. Edité en 35 exemplaires, il contient une édition de chacun des 10 lauréats.

A partir du moment où le partenariat a été acté avec Valérie Bach et Constantin Chariot, nous sommes convenus d’inviter un autre artiste à cette occasion. Valérie et Constantin nous ont proposé 4 artistes belges ou vivants en Belgique et notre comité a voté en faveur de Medhi-Georges Lahlou (récemment sous les feux des projecteurs par son exposition au Botanique) à qui nous avons aussi proposé un travail d’édition qui vient compléter le portfolio.

Cette étape est importante pour nous, c’est un gage de qualité et de pérennité pour le programme initié en 2011 et pour les artistes qui bénéficient ainsi d’une visibilité accrue.

Evelyne et moi-même avons voulu rester le plus neutre possible, en confiant le co-commissariat à Philippe Piguet, critique d’art et membre de notre comité, et à Valérie Bach.

Sur 49 œuvres exposées, l’exposition totalise 14 œuvres prêtées, dont 4 provenant de collectionneurs belges, ce qui mérite d’être souligné.

9 lives : Pourquoi la Belgique et la Patinoire Royale / galerie Valérie Bach ?

J. D. : La Belgique est arrivée assez vite dans notre short list, exæquo avec Rome (nous avions imaginé un projet avec le MAXXI) et puis Leipzig.

Démarrer avec un pays limitrophe et aussi amateur d’art contemporain, l’a finalement emporté. Au fil de nos rencontres, nous sommes arrivés à Valérie et Constantin qui, convaincus de notre démarche, désiraient de leur côté sortir d’une dimension muséale pour aller vers des horizons plus prospectifs. Une fois l’évènement planifié, toute l’équipe de la galerie a été un vrai support. Je suis maintenant d’autant plus conscient de ce qu’une telle exposition collective implique en termes opérationnels.

En terme commercial, les principes sont clairs. D’abord, concernant la rémunération des artistes, comme ils n’ont pas de représentant en Belgique, la Galerie Valérie Bach prend un pourcentage sur la vente des œuvres, et Art [ ] Collector, une commission qui permettra de couvrir une petite partie des frais comme l’assurance, le transport des œuvres ou encore l’organisation.

9 lives : Pour vous Valérie ce type de partenariat est-il une première ? et comment avez-vous accueilli cette collaboration au sein de votre programmation ?

Valérie Bach : Oui c’est une première mais je partais en totale confiance. Je connaissais déjà la démarche d’Art [ ] Collector, de nombreux artistes présentés et Philippe Piguet, le commissaire choisi. J’apprécie dans son travail la cohérence qui se dégage de l’ensemble à partir d’une scénographie pertinente et juste.

Si je suis installée ici depuis 12 ans, je reste française, donc toujours partante pour parler et soutenir des artistes de mon pays. D’une part, l’exposition 5×2+1 nous permettait en tant que galerie belge d’ouvrir notre catalogue d’artistes, de vivre une aventure humaine et de jouer un rôle de nouveau tremplin à l’étranger pour ces artistes, selon le principe d’engagement des Deret que j’admire et partage.

Nous ne souhaitons pas nous laisser enfermer dans des clichés « historiques » sur la Patinoire Royale, comme ce fut le cas parfois aux débuts de notre programmation, notamment avec l’exposition de Jean-Jacques Aillagon sur la figuration narrative. Nous alternons dans les espaces de ce lieu classé et connu des bruxellois des expositions « historiques » (actuellement la sculpture belge des Trente Glorieuses), des expositions d’artistes internationaux comme Joana Vasconcelos ou Hassan Sharif, et des expositions d’artistes plus émergents comme Alice Anderson, sculptrice franco-britannique de 45 ans.

Ce besoin de définir une ligne pour une jeune galerie comme la mienne m’a toujours paru réducteur. C’est aujourd’hui que je commence à affiner la ligne de la galerie autour d’artistes plutôt confirmés, même si nous pouvons aussi inviter de jeunes artistes dans la partie haute (le corridor), comme Marion Charlet, lauréate Art Collector 2018, en janvier prochain, ou Jeanne Susplugas qui est passée d’un espace à l’autre, appréciant le côté plus intime du corridor. Peu de galeries à Paris bénéficient de telles possibilités. Nous restons ainsi complètement atypiques et c’est notre force !

9 lives : Quelles synergies avec l’évènement « Private Choices » regroupant au même moment à la Centrale des collectionneurs belges engagés ?

J. D. : Il fallait que notre opération puisse être relayée par la presse belge. Nous avons choisi pour cela, l’agence belge BE culture, qui a travaillé en étroite collaboration avec L’art en plus à Paris, notre agence depuis le départ.

BE Culture assurait déjà la promotion du projet « Private Choices » à la Centrale autour de collectionneurs belges. Deux initiatives à la fois belges et françaises allant dans le même sens des collectionneurs soutenant des artistes et partageant de nombreuses correspondances. Cela nous apporte de nouvelles retombées locales. Nous avons aussi invité les collectionneurs de « Private Choices » au vernissage de notre exposition 5×2+1. Au final, grâce aux réseaux mutualisés de tous, nous avons reçu 250 personnes le soir du vernissage, dont de nombreux amateurs belges ! C’est exactement dans l’esprit de la dynamique que nous souhaitions créer en faveur des artistes, qui étaient d’ailleurs partie prenante du projet, presque tous ayant fait le déplacement pour le vernissage. Pour conclure, on peut dire que le pari est en bonne voie !

9 lives : Quelle est votre vision à chacun, de la scène française pour Jacques et de la scène belge pour Valérie ? (ou vice et versa !)

J. D. : La Belgique est un pays où les collectionneurs sont investis pour les artistes, ils les soutiennent et les accompagnent dans un rapport authentique et concret. Mais contrairement à Paris où il y a toujours un stress, il faut en Belgique que les choses se fassent petit à petit. De plus contrairement au monde des affaires que je connais bien et où tout va vite, dans le monde de l’art de multiples facteurs peuvent intervenir et ralentir le cours des événements. Prendre son temps pour découvrir, c’est bien aussi, c’est pour cela que l’exposition dure presque 7 semaines.

V. B. : La scène belge présente une incroyable vitalité qui tient d’abord à la tradition artistique du pays, inventeur du surréalisme, toujours volontiers impertinent et décalé. Par ailleurs, la Belgique est un pays de collectionneur. Il n’y a jamais eu en Belgique, à l’instar de la France, de l’Espagne ou de l’Angleterre, de grande collection royale. Au contraire, ce sont les bourgeois industriels wallons ou les commerçants flamands qui ont été les principaux collectionneurs du pays, fondant souvent par des legs les principales collections muséales. Aujourd’hui, la Belgique présente une formidable concentration de collectionneurs privés qui créent réellement un maillage d’intérêt autour de la création contemporaine, notamment. La venue d’Art [ ] Collector à Bruxelles sonne donc comme un rendez-vous entre cette initiative française et les grandes collections privées bruxelloises et belges.

9 lives : Question subsidiaire : Jacques Deret, comment imaginez-vous le futur d’Art [ ] Collector ?

J. D. : Pour notre nouveau cycle d’expositions, nous nous limiterons à un artiste par an. Nous venons d’exposer en septembre à Paris et de publier le catalogue de notre 11ème lauréat, Charles Fréger. La 12ème lauréate, Marion Charlet (galerie Virginie Louvet à Paris, artiste dont je vous avais parlé le 2.10), qui vient d’être élue pendant la Fiac, sera exposée en septembre 2018 à Paris et en janvier prochain à la Galerie Valérie Bach qui l’avait déjà repérée !

Notre cycle de mécénat se poursuit à Paris, pourquoi pas enrichit à l’avenir de plus amples échanges avec la Belgique. Nous reviendrons surement à Bruxelles ou exposerons dans une autre ville étrangère, car nous sommes convaincus qu’il est aussi important de présenter la scène française hors de France qu’en France.

Les 10 lauréats Art [ ] Collector exposés :
2016 : Massinissa Selmani
2015 : Abdelkader Benchamma & Olivier Masmonteil
2014 : Claire Chesnier & Eva Nielsen
2013 : Clément Bagot & Karine Rougier
2012 : Christine Barbe, Iris Levasseur & Jérémy Liron
Artiste invité vivant en Belgique : Mehdi-Georges Lahlou

Art [ ] Collector est une initiative des collectionneurs privés, Evelyne et Jacques Deret, visant à promouvoir chaque année deux artistes français ou travaillant en France et à valoriser leur travail grâce au soutien de leurs collectionneurs. Art [ ] Collector bénéficie depuis 2015 du parrainage du Ministère de la Culture et de la Communication.

INFOS PRATIQUES :
Art [ ] Collector
Exposition rétrospective 5×2+1
Première édition du projet en belgique
Du 11 novembre au 23 décembre 2017
La Patinoire Royale – galerie Valérie Bach
rue Veydt 15
1060 Bruxelles
Belgique
http://www.galerievaleriebach.com

Actualités d’Art [ ] Collector :
Marion Charlet, Douzième lauréate Art [ ] Collector
Exposition au Patio Art Opéra en septembre 2018

Actualités galerie :
Participation à la BRAFA, Bruxelles (janvier 2018) et à Drawing Now, Paris (mars 2018)

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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