Partenaire de cette nouvelle édition de Woman Paper, nous partagerons avec vous chaque jour de cette semaine de Paris Photo, le choix d’une femme du monde de l’art composé d’une photographie présentée lors de la foire accompagnée d’un texte féministe. Anna-Alix Koffi a demandé à Ericka Weidmann, fondatrice de 9 Lives, de participer à ce numéro que voici ici.
Le Texte
Extrait d’une correspondance écrite par Niki de Saint Phalle (Octobre 1991)
Quand devient-on rebelle ? Dans le ventre de sa mère ? A cinq ans, à dix ans ?
Je suis née en 1930. ENFANT de la DÉPRESSlON. Pendant que ma mère m’attendait, mon père perdit tout leur argent. En même temps elle découvrit l’INFIDELITÉ de mon père. Elle pleura tout au long de sa grossesse. J’ai ressenti ces LARMES.
Plus tard elle me dirait que TOUT ÉTAIT DE MA FAUTE. Les ennuis étaient venus avec moi. Je la crus.
Je prouverais que ma mère avait TORT et je prouverais aussi qu’elle avait RAISON.
Un jour je ferais une chose impardonnable. La pire chose dont une femme soit capable. J’abandonnerais mes enfants pour mon travail. Je me donnerais ainsi une bonne raison de me sentir coupable.
Enfant je ne pouvais pas m’identifier à ma mère, à ma grand-mère, à mes tantes ou aux amies de ma mère. Un petit groupe plutôt malheureux. Notre maison était étouffante. Un espace renfermé avec peu de liberté, peu d’intimité. Je ne voulais pas devenir comme elles, les gardiennes du foyer, je voulais le monde et le monde alors appartenait aux HOMMES. Une femme pouvait être reine mais dans sa ruche et c’était tout. Les rôles attribués aux hommes et aux femmes étaient soumis à des règles très strictes de part et d’autre.
Quand mon père quittait tous les matins la maison à 8 h 30 après le petit déjeuner, il était libre (c’est ce que je pensais). Il avait droit à deux vies, une à l’extérieur et l’autre à la maison.
Je voulais que le monde extérieur aussi devienne mien. Je compris très tôt que les HOMMES AVAIENT LE POUVOIR ET CE POUVOIR JE LE VOULAIS.
OUI, JE LEUR VOLERAIS LE FEU. Je n’accepterais pas les limites que ma mère tentait d’imposer à ma vie parce que j’étais une femme.
NON. Je franchirais ces limites pour atteindre le monde des hommes qui me semblait aventureux, mystérieux, excitant.
Ma nature optimiste m’y aida.
Woman Paper ?
woman paper est une publication sous forme d’un journal grand format consacrée aux femmes du monde de l’art par elles mêmes; destiné aux initiés et pour initier le plus grand nombre. Festival, foire, biennale, elle est réalisée en partenariat avec la direction de l’évènement qu’elle couvre, gratuite, elle est offerte dans les espaces VIP puis à l’ensemble visiteurs. Chaque édition reprend les artistes issues de la programmation d’une part et des découvertes plus underground d’autre part. Le contenu est parfois l’objet de rencontres entre artistes ou de conversations devant un public invité.