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Véritable révélation à Art Paris (focus Hervé Mikaeloff) alors qu’il est encore étudiant aux Beaux-Arts de Paris, Arnaud Adami n’était pas au départ destiné à une carrière artistique. Après un bac technologique qu’il finance par un emploi dans une usine de colis postal, il décide de tenter une classe préparatoire à Châteauroux, un pari qui s’avère décisif. Puis il intègre successivement les écoles des Beaux-Arts de Bourges et de Paris dans l’atelier de Nina Childress. Je le rencontre à l’incubateur Poush qu’il rejoint avec l’artiste Dhewadi  Hadjab, rencontré aux Beaux-Arts de Bourges.

Arnaud Adami, Sans titre, 2020 courtesy de l’artiste

Il n’est pas livreur lui-même alors que ce sujet, omniprésent dans ses toiles pourrait le faire croire. Ce sont les travailleurs invisibles de notre société capitalistique globalisée à qui il souhaite redonner une humanité. La question du déguisement et sa connotation l’intrigue et le motive tout particulièrement. « Quand je parle de mes livreurs, je parle de leurs costumes. Leur métier est souvent autre mais dès qu’ils revêtent cet habit, ils revêtent un rôle social » résume-t-il. Comme deux univers étanches qui se croisent, à l’image de son parcours, entre l’usine et le monde de l’art. Une dualité où la question du symbole permet ce point de bascule comme le décrit le penseur Arthur Danto qu’il cite. Autre source d’inspiration, le photographe August Sander et sa classification sociologique qui l’inspire quand il commence à saisir ses camarades manutentionnaires dans différentes usines de la région de Bourges. C’est en arrivant à Paris qu’il réalise que ces livreurs à vélo sont les nouveaux visages de ce monde prolétaire 2.0. Le témoignage de Jules Salé dans le livre « L’exploitation à la cool » sorti en mai 2020 rejoint ce réalisme brutal mais aseptisé qu’il traque dans les moindres détails et accessoires, l’ubérisation fonctionnant par des codes immédiatement reconnaissables.

Les grands thèmes de l’histoire de l’art, comme la chute d’Icare l’ont précédemment conduit à imaginer cette série de livreurs Deliveroo abandonnés et prostrés dans la neige ou percutés dans leur course folle. Cette codification pyramidale de la peinture française classique se retrouve dans le portrait d’un autre livreur dont la silhouette en pied renvoie directement au costume de sacre du roi Louis XIV par Hyacinthe Rigaud, conservé au Louvre. La nature morte et la scène de genre flamande l’inspirent également beaucoup comme dans cette œuvre en préparation où une veste orange fluo de la marque de livraison Just Eat a été jetée au sol d’un intérieur bourgeois, contradiction qui interpelle d’autant plus. Il avait déjà soulevé cette dichotomie avec le portrait du livreur Deliveroo réalisé dans le bureau de Jean de Loisy comme il me le confie, alors que ce livreur est étudiant aux Beaux-Arts de Paris. La toile a immédiatement trouvé preneur à Art Paris.
Une dérive fictionnelle qu’il pousse jusqu’à représenter une femme livreuse alors qu’elles ne sont pas nombreuses dans ce métier et qui, de plus, serait voilée.

Arnaud Adami, Sans titre, 2020 courtesy de l’artiste

Sa méthode consiste d’abord à de mises en scène très contrôlées qui donnent prétexte à des photo-montages avant de passer à la peinture en tant que telle.
Entre plaisir du détail et plaisir du geste, il alterne petit et grand format.
Sa prochaine recherche, après les bouchers de Ringis qui penchent du côté de Rembrandt ou Chaïm Soutine ou les livreurs, concerne les éboueurs de Paris avec leurs costumes aux couleurs fortes, prétextes à d’autres recherches autour des opposés chromatiques. Cherchant à s’inscrire dans son époque, il reproduit ces effets fluos et flashs que l’on retrouve dans ces compagnies globalisées, soulignant leur omniprésence dans notre quotidien, à tel point que la mode a jugé bon de s’en emparer à son tour.

Arnaud Adami, Sans titre, 2020 courtesy de l’artiste

L’artiste ne revendique pas un message anti capitaliste et parle de codes inconscients qui interviennent dans ses choix de motifs et de composition.

Il n’est pas encore représenté en galerie préférant temporiser et prendre une certaine distance, pouvant enfin se dédier exclusivement à sa passion, la peinture et en vivre.

Arnaud Adami fait partie de l’exposition collective Théâtre des Expositions, Saison 2 aux Beaux-Arts de Paris, Natures Mortes à la galerie Valérie Delaunay et à la galerie Sabine Baysali autour de la thématique de l’Enfer par Olivier Masmonteil, commissaire.

INFOS PRATIQUES :
Natures mortes, exposition collective
du 18 novembre au 24 décembre 2021
Galerie Valérie Delaunay
42 rue de Montmorency
75003 Paris
L’Enfer, exposition collective
du 27 novembre 2021 au 22 janvier 2022
Galerie Sabine Baysali
99 rue du Temple
75003 Paris

Site internet de l’artiste :
www.arnaudadami.fr

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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