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PhotoMed 2017 : Sophie Zénon, Retour aux origines

Temps de lecture estimé : 5mins

Pour se rendre à l’exposition de Sophie Zénon présentée dans le cadre de la 7ème édition du festival PhotoMed, vous devez emprunter la voie maritime. Le voyage commence dès le port de Sanary-sur-Mer ou celui de Bendol… Cette petite île était désertique jusqu’aux années 1950, date à laquelle Paul Ricard l’acheta et décida de l’aménager.

Ma rencontre avec Sophie date d’il y a longtemps… C’était au début des années 2000, elle était venue me présenter un travail en noir et blanc sur la Mongolie, un sujet déjà emprunt de rêve et de voyage. À cette même époque, Laura Sérani alors directrice des galeries photo de la Fnac, décidait de présenter ce travail dans tout son réseau d’exposition. La collaboration des deux femmes n’a jamais cessé et aujourd’hui Sophie a choisi Laura comme commissaire pour son exposition « Sicile. Au-dessous du volcan ».

Sophie Zénon est historienne et ethnologue de formation, de forts intérêts que l’on retrouve dans son travail photographique. Cette exposition est inédite, elle rassemble différentes pièces, certaines ont déjà été exposées et d’autres le sont pour la première fois.
« Sicile. Au-dessous du volcan » explore les traces du passé et de la mémoire. La famille de Sophie vient d’Italie, ils sont arrivés en France dans l’entre deux guerres, c’est donc ici le premier volet d’un projet beaucoup plus vaste, sur un voyage dans le temps…

Au fil de l’exposition, on oscille entre paysages, documents collectés, et galerie de portraits. En premier, ce sont les paysages de Sicile réalisés par Sophie que l’on découvre. Une Sicile vue de l’intérieur, avec ces anciennes mines de souffre, de territoires arides et ses villages perchés. Afin de montrer la rudesse de ces paysages, la photographe opère un travail de solarisation sur ses tirages, ce positif/négatif qui tend à se rapprocher du dessin et du fusin avec un noir très charbonneux. En découvre également d’anciennes cartes postales, qui viennent contextualiser le propos.

Comme nous le confiera plus tard Laura Sérani, la réussite d’une exposition réside dans le choix de sa scénographie; il est important d’établir une interaction entre les œuvres exposées et le visiteur. Et ici, interaction il y a : des œuvres avec des volets qui s’ouvrent et se referment, des portraits de famille d’anonymes sur plaque de verre datant du milieu du siècle dernier encadrés dans des châssis anciens de chambre photographique qui nous permettent de laisser apparaître ou faire disparaître les images. Tous ces éléments exposés ont été chinés au marché de Palerme il y a plusieurs années… L’utilisation de ces éléments anciens s’est rapidement imposée dans cette exposition.

Ce travail sur les origines est un prétexte pour parler de la filiation et des ancêtres, d’où la présence de la série « In Case we die » réalisée en 2008. À Palerme, il y avait cette tradition de momification qui s’est installée de la fin du 16ème siècle à 1920. Les momies étaient installées dans des cryptes, et les siciliens venaient rencontrer et discuter avec leur ancêtres. Lors du vernissage, Sophie a une crainte, que les images des momies effraient le public. Ce sont de grands tirages, à échelle réelle, et ces derniers peuvent surprendre. Mais à en juger par le comportement des visiteurs, ces images fascinent… La complexité a été de ne pas photographier les momies de manière frontale, l’interêt ne résidait pas de photographier la mort, mais plutôt de photographier le vivant. Grâce à un travail de lumière, de vitesse et de mouvement, Sophie a réussi à donner une vibration à l’image, à lui donner vie…

Sophie Zénon a accepté de se prêter au jeu de notre désormais célèbre portrait chinois, que voici :

Si j’étais une oeuvre d’art : Un dessin mescalinien d’Henri Michaux
Si j’étais un musée ou une galerie : Le Kuntsmuseum de Bâle pour ses collections d’art rhénan des XVe / XVIe siècles, notamment Hans Holbein, Matthias Grünewald, Lucas Cranach
Si j’étais un livre : « Le jour des Corneilles » de Jean-Francois Beauchemin (éditions Les Allusifs, 2004). Au coeur de la forêt, un père élève avec rudesse son fils à l’écart du reste des hommes. Tous deux mènent une existence sauvage, semblable à celles des bêtes qu’ils côtoient. Un ovni littéraire, un roman halluciné au style audacieux et inventif.
Si j’étais un film : « Une journée particulière » (« Una giornata particolare », 1977) d’Ettore Scola, avec Sophia Loren et Marcello Mastroianni. Dans l’Italie des années 1930, la rencontre improbable et sensuelle entre deux êtres que tout oppose. Un réquisitoire contre le fascisme et la manipulation des masses.
Si j’étais un morceau de musique : « Desired constellation » de Björk, chanson extraite de son album Medulla, entièrement
composé à partir de voix.
Si j’étais un photo accrochée sur un mur : Une photo de Graciela Iturbide issue de sa série « la Mixteca ». Tout l’ univers « réalistemagique » de la photographe mexicaine y est représenté !
Si j’étais un objet : Mon premier appareil photo : un petit panoramique en plastique, estampillé « Paris-Match »,
que l’on gagnait en cadeau pour tout abonnement au célèbre magazine. Il a été mon compagnon de route de tous mes voyages en Mongolie et au Cambodge.
Si j’étais une expo : « La mort n’en saura rien », première grande exposition en France consacrée à la représentation de la mort (ex musée d’art d’Afrique et d’Océanie, Paris, 2000) et plus récemment « Carambolage » (Grand Palais 2016) de Jean-Hubert Martin, un télescopage visuel où chaque oeuvre induit la suivante par une association d’idées ou de formes.
Si j’étais un lieu d’inspiration : Celui qui m’a donné envie d’être photographe : La Mongolie, pour ses paysages, pour la
relation respectueuse et magique que les nomades mongols entretiennent avec la nature. Chaque séjour me donne une nouvelle énergie.
Si j’étais un breuvage : Un verre de Laouzil (Saint Chinian) du domaine de Thierry Navarre (34)
Si j’étais un héros/héroïne : Sophie Scholl, résistante allemande au nazisme et l’un des piliers du réseau « La Rose blanche » (Die Weiße Rose) avec son frère Hans.
Si j’étais un vêtement : La paire de gants noirs et longs de Rita Hayworth dans « Gilda ».

INFORMATIONS PRATIQUES
La Sicile Au-dessous du volcan. Sophie Zénon
Dans le cadre de PhotoMed 2017
Du 18 mai au 11 juin 2017
Salle Patmos et Mykonos
Île de Bendor
http://festivalphotomed.com
http://sophiezenon.com

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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