PhotoPortfolio

Trouer l’opacité, une série photographique de Laure Samama

Temps de lecture estimé : 3mins

Nous avons découvert le travail de Laure Samama lors des lectures de portfolios organisés par Catherine et Jacques Dérioz, galeristes du Réverbère à Lyon, mais également directeurs artistiques de l’édition 2018 du Prix Levallois. Venue du monde de l’architecture, Laure Samama a décidé ses dernières années, de se consacrer à la photographie et à l’écriture. Sa série « Trouer l’opacité » que nous vous présentons aujourd’hui a été présentée tout l’été à la Maison Robert Doisneau.

Un jour, j’ai perdu tout accès à la réalité du monde: je le voyais à travers une vitre sale et j’avais beau frotter, rien n’y faisait, je ne voyais rien. Ou mal. Ou pas suffisamment.

Je m’identifiais à une mouche enfermée dans un pot de confiture vide. Propre le pot. Du moins l’intérieur. Mais vide. Et rayé. Tellement que le monde en était absent. Parfois le couvercle du pot se dévissait. Alors je sentais l’air frais sur mes petites ailes flétries de mouche. Mais je ne trouvais pas la sortie pour autant: J’étais restée enfermée trop longtemps. Le pot était mon refuge. Le couvercle pesait. J’étais exposée aux regards. Mais on ne pouvait me toucher. C’était déjà ça. A priori, nulle effraction nouvelle ne se produirait.

J’ai cru que cette perte de contact serait provisoire. Pourtant il me faudra des heures, des semaines, des mois, des années avant que les mots parviennent à retisser la membrane fragile qui me liait au monde. Peu à peu sont revenues les sensations, et avec elles l’émerveillement devant ce qui pourrait sembler peu de choses, mais qui, durant un temps infini m’était devenu inaccessible. J’ai photographié la sidération, la sortie et la fin de cet état.

J’ai photographié des choses tellement infimes que l’on ne sait pas pouvoir les perdre, des moments que l’on oublie car ils nous semblent évidents, donnés.

Le projet rend compte de ce cheminement depuis un monde sans relief ni perspective jusqu’à un paysage enfin décrypté. Une femme capable de lire du bout des doigts dans la matière blanche des livres m’y accompagne et m’y apprend comment lire les paysages.
Il est mon carnet de voyage dans les méandres de ma psyché, depuis les forêts ternes et sombres de mes peurs jusqu’aux possibles éblouissements à venir.
Ces photographies parlent de moi, devenue photographe par la grâce de ces images.

Biographie

Laure Samama est diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure de Photographie d’Arles et de l’Ecole d’architecture de Belleville.
Après avoir exercé l’architecture pendant plus de dix ans, elle décide de se consacrer à la photographie et l’écriture. Elle photographie des lieux, porteurs d’histoires, dans lesquels elle décèle des instants de grâce. Quand elle écrit, c’est pour mener vers la lumière les zones reculées de la mémoire.
Sa série photographique Trouer l’opacité a été exposée à la Maison Doisneau en 2018, à la galerie VU en 2016, au Bleu du Ciel en 2015.
Ses nouvelles Les seins blancs et Premier dilemme sont publiées fin 2018 par la revue Spasme et la revue Extensible.
Ses projets Photo-texte Tes mains s’effacent et Ce qu’on appelle aimer ont été publiés aux éditions Arnaud Bizalion.
Ses livres d’artiste ont été acquis par la Bibliothèque Nationale de France en 2017.
Mille-Mains, une performance de Contact-Improvisation, s’est déroulée lors des rencontres de la photographie d’Arles.
Elle a enseigné la photographie sous forme d’ateliers intensifs à l’Ecole d’Architecture de Malaquais et assuré le commissariat de deux expositions.
Elle explore aujourd’hui la possibilité de mêler différentes voies de restitution pour constituer un projet « global ».

samamalaure@gmail.com
http://lauresamama.com

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