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Amnesty International célèbre les 70 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme à la Galerie Wanted

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Amnesty International a choisi de célébrer aujourd’hui l’anniversaire des 70 ans de la déclaration des droits de l’homme, par une exposition militante et un renouvellement de son inscription dans la Cité qui a vu naître la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, issue de la Révolution française. Triste anniversaire si l’on en croit l’état du monde à ce jour, d’autant plus triste à l’heure des manifestations des gilets jaunes de ce samedi et des rétentions arbitraires déclenchées par le gouvernement Macron.

Ce texte, 70 ans après a toujours bien du mal à être considéré comme le socle des valeurs fondamentales de l’Humanité. Son esprit universaliste se heurte sans cesse aux politiques économiques de bien des états et à une main mise de l’économie mondiale par les pôles financiers, les lobby des multi-nationales.

Au mieux, combattu par ces groupes de pression, au pire, nier par le libéralisme, la défense de l’égalité des droits se trouve de plus en plus compromise, d’ailleurs apparait-elle toujours dans la diplomatie internationale, de moins en moins….et des oppressions de toutes sortes ne cessent de réactiver les violences  de tous ordres qui s’exercent au quotidien quasiment partout dans le monde.

On se souvient qu’à sa signature l’Afrique du Sud blanche refusait l’égalité de tous les humains, que l’Arabie Saoudite s’opposait à l’égalité Femme-Homme et que l’Union Soviétique, le bloc de l’Est contestait la définition de l’Universalité. La Chine répondait récemment que les Droits de l’Homme était une invention occidentale. Au nom de la Souveraineté nationale, les États Unis ne reconnaissent pas le tribunal pénal international et les pays islamiques placent les lois religieuses au dessus des valeurs universelles. Faut-il constater à la date de cet anniversaire la régression de cet Idéal qui fonde le droit international dans son intention et se satisfaire de sa négation? L’exposition répond en partie à cette question et souhaite renouveler le lien ombilical que doit porter toute démocratie, tout gouvernement, à celui-ci.

Rappelons l’article premier: tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

C’est bien là, la source de l’exposition. L’exposition se tient à la galerie Wanted, jusqu’au 12 Janvier 2019. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, écrite en 1948, est LE document de référence relatif aux droits de l’homme. A l’heure où ces droits sont bafoués dans nombre de pays, l’anniversaire de l’adoption de cette déclaration est l’occasion d’en montrer la nécessité toujours actuelle comme sa formidable aspiration au respect du droit général pour tous et à ses applications, mondialement.

Porté par un commissariat désireux de donner à voir et à réfléchir sur un état du monde, ce projet fait suite à celui d’une édition de 2006, ou Amnesty avait confié à une cinquantaine de dessinateurs le soin d’illustrer par un dessin chacun des 30 articles de la déclaration. Aujourd’hui, il s’agit de croiser les regards de dix photographes en relation avec un article, issu du texte général, plus particulièrement et de rappeler les valeurs fondamentales inscrites dans le texte. L’ordre mondial, lui, semble entrer en amnésie.

MaID VII, Philadelphie, USA, 2018 © Zanele Muholi.
Courtesy of Stevenson, Cape Town / Johannesburg and Yancey Richardson, New York

Sous le commissariat de Fanny Dupêchez et de Pascal Michaut, Assistés de Alexandre Jalbert & Pauline David, Amnesty International, l’exposition s’organise autour de dix photographes, dix regards, qui s’articulent autour des dix articles choisis au sein du texte général de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Amnesty International choisit ainsi, dans une période historique traversée par la montée des exclusions, de rappeler ce texte fondateur qui défend les droits inaliénables des uns et des autres, souvent mis à mal ici et là.

Les uns envers les autres est déjà un rappel des fondements, de l’importance du texte. Sylvie Brigot-Vilain, directrice générale de la branche française de l’ONG a déclaré, lors de l’inauguration de l’exposition: «Nous cherchons à travers ce travail à engager une conversation avec le spectateur autour de la déclaration pour célébrer cet anniversaire».

Se pourrait-il qu’on se souvienne alors du mouvement des Lumières au sein de la Révolution de 89 et de la puissance de l’idéal humaniste et démocratique du texte inaugural de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen français, celle de la déclaration des droits américains et anglais, traversées par les philosophies de Locke, Rousseau et Hobbes. Le texte rédigé au sortir de la guerre en 1948, après l’épreuve majeure du nazisme, devait orienter positivement l’esprit de gouvernance des états. Nous constatons aujourd’hui l’écart entre ces déclarations et la réalité du monde. Amnesty International a choisi de nous rappeler à travers la lecture du texte et l’écriture de chaque photographe, les liens à ces idéaux et la distance qu’il existe entre celui-ci et les terribles réalités actuelles.

Les uns envers les autres expose des travaux photographiques pertinents, sur les problématiques de Dignité et de justice sociale, sur les libertés de, pensée, d’opinion, de vivre décemment, du respect des différences , sur le droit d’asile, le droit des minorités, les droits à la justice et à l’égalité.  Ce sont les séries de : Bruce Gilden, Claudia Huidobro, Ulrich Lebeuf, Sebastián Liste, Lorenzo Meloni, Zanele Muholi, Yann Rabanier, Anton Renborg, Smith, Tendance Floue, Bruce Gilden venus du Monde et de toute partie de l’Afrique du Sud à l’Italie en passant par la Suède, les États-Unis ou la France.

Inde 2008 © Oeuvre de Claudia Huidobro / Galerie Les filles du calvaire, à partir d’une photographie de Pascal Aimar / Tendance Floue

Les photographes se sont emparés des valeurs majeures et des mots clés du texte. A mettre en mouvement dans un projet qui assemble les différentes directions où s’éclairent les regards pensés et intuitifs de ceux-ci, un panorama issu de ces productions, s’impose et communique largement sur toutes ces réalités désastreuses.

A travers le travail documentaire d’Ulrich Lebeuf, agence MYOP, la série des Oubliés, témoigne de l’indignité de la condition faite aux exclus du système français, ces oubliés pour les quels  Victor Hugo se battait déjà, il y a plus de 150 ans.

Isabelle et Amandine. Elle élève seule sa fille de 16 ans, depuis que ses fils jumeaux, Sébastien et Jérôme, 33 ans, ont quitté le domicile. Amandine est bonne élève, mais le comportement pèche un peu : « problèmes de discipline », dénonce son carnet de correspondance.
Série « La vallée des oubliés », 2013-2018
© Ulrich Lebeuf / MYOP

Cela se passe encore et toujours, aujourd’hui, à 200 kms de Paris, à Berteaucourt-les-dames, petite commune de 1200 âmes, Ulrich Lebeuf “raconte à travers une famille,  la pauvreté dans le nord de la France. Cette précarité résulte de la fermeture des usines qui ont longtemps alimenté la région en travail». Une lente obscurité, funèbre descend de l’ombre sociale et recouvre l’indignité de celui qui disparait petit à petit à l’intérieur de lui même dans l’abandon de tous…une photographie sans artifice conte essentiellement cette relégation dans un délitement des liens entre une mère et sa fille…..  Cette Vallée des oubliés est un territoire ou se tisse à travers un regard profondément juste, la possibilité de l’autre à nouveau, car la chute sociale est avant tout rupture du lien avec soi et avec les autres, dans tout l’abandon dont est capable une société où l’injustice domine largement. Le photographe fait oeuvre.

Vue d’exposition © Julien Crusel pour Amnesty International

Yann Rabanier réagit à l’article 5 “Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants” par ‘quatre portraits en pied, quatre nus, dans une impression , à l’échelle un, tiré sur des post-it jaunes. Plus que le corps , trois femmes et un homme,  semblent témoigner au delà d’eux même, de cette fragilité que seul un regard fier soutient dans un corps ancré à la terre, mais cela est-il sensible au delà du formalisme du procédé, proposition dont le photographe s’explique :” «Le but de ces nus n’est pas d’être sensuel ou aguicheur, mais d’exposer un homme comme il est, à l’état le plus basique et naturel possible, précise le portraitiste. J’ai essayé d’étayer l’article 5 sur la torture, succession de parcelles qui tombent petit à petit».  L’image est elle porteuse d’une affirmation et d’un vouloir dire qui lui échappe, est ce par là que se joue une complicité entre les trois acteurs du regard, le “modèle”, le photographe, le regardant, dans l’assise où s’évacue la fragilité et s’affirme une volonté farouche d’être sujet de son propre destin et de ces valeurs universelles ?

Afrique du Sud, 2012
© Oeuvre de Claudia Huidobro / Galerie Les filles du calvaire, à partir d’une photographie de Alain Willaume/ Tendance Floue

Sur la base de l’article UN, Claudia Huidobro propose une relecture et une transposition plasticienne d’une sélection de photographies du collectif Tendance Floue. Chaque image est soumise à des pliages qui mettent en exergue un personnage ou une situation en lui donnant un relief , une profondeur physique. Cette introduction d’un relief oblige à une relecture enjouée de l’image qui, traitée plus avant en sculpture visuelle, approche un lien intérieur à l’image en soi, conséquemment à la perception qu’on peut avoir et à une ouverture de celle ci au regard, au sens. Ce qui fait lien est cette liberté, de créer, de penser dans une approche fraternelle du message issu de l’image, ici réinterprété par l’idée d’une troisième dimension, le volume, et de l’image elle même, donnant en soi à voir une autre approche pour s’en trouver enrichie. Ludique et heureuse, cette transformation – appropriation transforme l’image en un objet esthétique séduisant et beau. La mutation du tirage photographique en cet objet soigné et accompli le projète à un  statut plus volontiers plastique et en fait un objet d’art contemporain.

© Lorenzi Meloni

“Lorenzo Meloni a porté son regard sur les frontières d’une Europe qui se referme au mépris de ses principes, fondateurs d’accueil et d’hospitalité. En travaillant sur les tensions sécuritaires de ces frontières terrestres, ou maritimes – de l’Espagne à l’Italie, via la Hongrie – il livre un réquisitoire puissant pour la défense du droit, d’asile et contre le repli sécuritaire qui nie l’ambition du droit à trouver refuge.” dit le dossier de presse

«Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays» – Article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Mudawi Ibrahim Adam, fondateur et ancien directeur de l’Organisation pour le développement social au Soudan
© Bruce Gilden / Magnum Photos

De fait l’exposition présente une lecture actuelle de situations à travers le monde. Le Maroc connait une vague de condamnations et d’emprisonnements pour délits d’opinions, les portraits des défenseurs des droits de l’homme au Darfour, au Mexique, de Bruce Gilden, (Magnum) témoignent de cet engagement militant, illustrant le droit d’asile devant les persécutions. Ces portraits au cadrage serré font état du regard de l’engagement de ces femmes et ces hommes, dont on lit une volonté farouche, et une humanité engagée pour défendre ces droits si précieux et rester sujets d’eux même, processus maintes fois perçu entre ces héros du quotidien qui font face contre toutes les injustices et les répressions qu’ils encourent…Travail sec mais puissant, nous ne pouvons au fond nous départir de la flamme que signe un engagement au prix de la liberté.

Myths of justice in the Amazon Forest
© Sebastian Liste / NOOR Images

Au Brésil, les indiens de la forêt brésilienne, menacés d’expulsion font face à la progression des industries belliqueuses  revendiquant leurs droits,  Sebastian Liste (agence Noor) témoigne. Il est aussi question de défense du patrimoine culturel et des traditions ancestrales auxquelles ces brésiliens sont attachés et qui sont patrimoine culturel mondial.

Myths of justice in the Amazon Forest
© Sebastian Liste / NOOR Images

Toutes ces productions chevillent farouchement les articles de la déclaration et résonnent donc dans cette mise en relations avec les faits, tortures, emprisonnements, privation de droits, de liberté, injustices répétées, tortures, toutes pratiquées en raison d’intérêts particuliers contre l’intérêt général. Voilà pourquoi ce texte est si fondamental et qu’il est besoin de le faire vivre et revivre à travers des énergies et des regards actuels, posant cette question: “où va ce monde, où allons nous?”

La société vacille dans une tentation d’un retour aux extrêmes, ce qui rend l’exposition éminente, en plus de combattre toutes formes que prennent certains pouvoirs dans le monde, Amnesty International célèbre tout autant le lien immédiat entre le texte de la déclaration et les travaux exposés dans une sorte de COMBAT, d’évidence, que la liberté de création et de propositions ouvertes aux regards, dans une grande Vérité et une pertinence réelle. Plus que jamais la liberté de penser, d’agir, de témoigner, de rester libre de ses choix s’affirme inaliénables afin que tous puissent vivre dans le respect de l’autre et concourt à l’enrichissement des uns par les autres. Ainsi LES UNS ENVERS LES AUTRES s’éprend-il de tous les combats justes et nécessaires au maintien d’un équilibre minimal du monde.

C’est pourquoi l’appel de Victor Hugo sonne toujours aux heures qui veulent soustraire la Liberté aux peuples, rappelons cet appel. J’appelle le peuple de France, en cette période d’obscurantisme, « À ce que la civilisation ait une reine, la liberté et que l’ignorance ait une servante, la lumière.”

INFORMATIONS PRATIQUES

Missing Event Data
Pascal Therme
Les articles autour de la photographie ont trouvé une place dans le magazine 9 LIVES, dans une lecture de ce qui émane des oeuvres exposées, des dialogues issus des livres, des expositions ou d’événements. Comme une main tendue, ces articles sont déjà des rencontres, polies, du coin des yeux, mantiques sincères. Le moi est ici en relation commandée avec le Réel, pour en saisir, le flux, l’intention secrète et les possibilités de regards, de dessillements, afin d’y voir plus net, de noter, de mesurer en soi la structure du sens et de son affleurement dans et par la forme…..

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