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Laura Bonnefous, coup de coeur Promenades photographiques Vendôme 2020

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Si vous avez la nostalgie de l’ambiance d’Arles d’il y a quelques années quand on pouvait encore savourer le temps des rencontres, alors précipitez-vous à Vendôme ! Odile Andrieu a eu l’intuition et la ténacité nécessaires pour faire de ces 16èmes Promenades photographiques le festival pointu et immanquable de l’été ! Convivialité et défrichage de talents sont les maitres mot 2020 sous le signe de l’Asie et de la biodiversité.

Sa série Failles a été retenue comme l’identité graphique de ces 16èmes Promenades Photographiques et Laura Bonnefous s’impose en effet dans ce panorama pan-asiatique fascinant conçu par Stéphane Damant, le commissaire. Dans le sillage d’une résidence au Japon sur l’île du Kyushu et en lien avec une collection d’Issey Miyake elle dessine des arborescences formelles et plastiques où le pli et la circonvolution des corps résonnent avec ce territoire sensoriel environnant. Laura Bonnefous publiera en octobre son premier livre d’artiste, décalé pour cause de COVID 19. Elle est lauréate du Prix Picto en et de la Bourse de Talent en 2015. Passionnée de volume depuis ses années dans l’atelier de Jean Luc Vilmouth aux Beaux Arts de Paris et de mode, elle collabore avec plusieurs créateurs en parallèle à son travail d’auteur.e. Elle nous dévoile un projet d’édition avec Louis Vuitton. La rigueur et l’épure voisinent avec la couleur et la poésie du quotidien chez elle.
Elle a répondu à nos questions Manège Rochambeau.

Comment avez-vous accueilli l’invitation d’Odile Andrieu ?

J’étais ravie de cette invitation pour ces 16èmes Promenades qui remonte à Arles l’année dernière quand j’ai eu la chance de rencontrer Odile et lui présenter la série Failles. A l’époque elle n’avait pas annoncé que le thème en serait l’Asie et ça a donc été une belle surprise quand elle a refermé l’auto édition que je lui présentais en soulignant cette heureuse coïncidence.

Genèse de ce travail au long cours et participation des figurants volontaires

En effet mon travail personnel couvre souvent des périodes assez longues et part le plus souvent d’un territoire qui m’attire, ici la région volcanique de l’île de Kyushu découverte en 2015 à l’occasion de mon exposition et résidence au Japon. J’ai entrepris une démarche assez solitaire, instinctive et sensorielle très loin d’une démarche documentaire. Je ne savais pas au moment de ces images, quel en serait le projet ensuite. J’ai passé plusieurs semaines à photographier ce territoire passionnant car oscillant en permanence entre quelque chose d’apaisant et de violent à certains moments de part ces éruptions et la puissance que dégageait le paysage. De ces liens que j’ai découverts entre l’homme et la nature, j’ai décidé de les poursuivre ensuite à travers un travail de portrait pour mettre des regards face à ces paysages. Je me suis donnée le temps pour d’une part digérer ces images et apporter une réponse qui allait faire un écho assez fort à ces émotions ressenties sur place et c’est en découvrant un an plus tard une collection d’Issey Miyake que j’ai eu une révélation face à ces couleurs et ces formes qui étaient en parfaite symbiose avec mon état d’esprit d’alors. J’ai ensuite contacté la maison Issey Miyake pour leur présenter le projet qu’ils ont très bien accueilli et ils ont
accepté de me prêter la collection pour mon travail personnel d’auteur. J’ai été très touchée devant cette sensibilité qu’ils ont face aux arts plastiques à la couleur, sculpture et photographie, ce qui explique aussi leur adhésion au projet. J’ai alors lancé une sorte d’appel à candidature pour trouver des japonais vivant à Paris qui accepteraient de participer et venir incarner ces personnages dans les créations de M. Miyake face aux paysages photographiés. Il était important pour moi de le faire avec des japonais pour qu’ils puissent vraiment comprendre cette sensation que j’avais ressentie là bas et garder ce lien fort avec le pays. Nous avons alors réalisé ces prises de vue qui sont entre de la sculpture, de la peinture et aussi de la performance face à ces poses qui peuvent évoquer aussi la danse contemporaine, quelque chose d’assez doux et en même temps d’assez puissant. L’idée étant de commencer à esquisser au fur et à mesure des analogies entre ces portraits et ces paysages.

Place et rôle de la scénographie dans le parcours

Nous avons vraiment travaillé main dans la main avec le commissaire pour d’abord sélectionner des images sur une série assez conséquente (85 au total) pour qu’elles fonctionnent à la fois seules et en suscitant de nombreuses analogies, dans un jeu de construction encore une fois lié à cette relation que j’ai à la sculpture. Nous avons échangé ensemble et j’ai proposé au commissaire comme une sorte de fil qui va se dérouler entre les images avec à chaque fois une forme ou une couleur qui agit en rebond d’une image à une autre. Nous avons conçu cette scénographie pour qu’elle puisse fonctionner dans les deux sens. On peut arriver d’un côté ou de l’autre et suivre ce parcours avec à la fois ces images accrochées au mur, dynamisées par de plus grands formats imprimés sur des kakémonos en grand pour rendre compte de cette puissance des éléments et susciter une alternance entre la douceur et la démesure. Suspendus au plafond ils nous invitent aussi à aller vers le ciel.

Le projet d’édition qui accompagne Failles

Un livre accompagne ce vaste corpus qui sortira finalement en octobre (avec les éditions H2L2), étant imprimé en Italie, nous avons du nous adapter au contexte. Il est essentiel car, encore une fois, cette démarche d’édition se construit à partir d’un fil invisible, une narration sensorielle qui va se crééer ici dans une échelle différente. On retrouvera dans ce livre l’intégralité de la série sous le format de l’édition tout en maintenant cette légèreté et lien continu entre les images, les couleurs, les visages, les paysages devenant presque personnifiés, les personnages quasi organiques dans un continuum.

Le projet d’édition avec Louis Vuitton

Ayant remporté le prix Picto, j’ai été exposée au Palais Galliera l’année dernière aux côtés d’une sélection de lauréats de ces 10 dernières années et Sylvie Lécallier, la conservatrice du Palais Galliera en lien avec les éditions Louis Vuitton, que j’avais déjà rencontré auparavant, a découvert mon travail sur le Japon et proposé de faire un Fashion Eye connaissant à la fois mon travail d’auteur.e et de commande.

Quel regard posez-vous sur ce panorama pan-asiatique qui nous entoure ?

J’apprécie beaucoup la sélection, je trouve ce panorama très riche. On passe d’un univers à un autre et on sent en même temps une vraie cohérence à l’ensemble. Certains travaux se détachent comme celui de Mi-Yeon et Yann Stofer ou encore d’Alex Huanfa Cheng lauréat de la Bouse du Talent 201 dont ai beaucoup défendu le travail faisant partie du Jury. C’est un plaisir de le retrouver ici. Ces photographes bien que de générations différentes avec des approches documentaires ou plus plasticiennes, dégagent un vrai lien entre eux. C’est un honneur pour moi de faire partie d’un groupe d’artistes aussi pertinents.

INFORMATIONS PRATIQUES

sam04jul(jul 4)10 h 00 mindim20sep(sep 20)19 h 00 min16ème édition des Promenades PhotographiquesEloge de la Lenteur OrganisateurAssociation Promenades photographiques

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Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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