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Vincent Gouriou, Instants d’Abandon

Temps de lecture estimé : 6mins

Vincent Gourou, sur les cimaises de la galerie David GUIRAUD, du 4 Mai au 24 Juin 2018 expose Instants d’Abandon.

On sent que Vincent Gouriou, au sortir de son vernissage et de l’exposition panoptique d’au moins Quatre séries, cherche toujours à voir et à comprendre ce qui relève d’un texte enfoui en lui, comme d’une résolution sue et obligeante. C’est pourquoi un lien avec un certain cinéma se crée dès la vue de ses photographies,  et qu’un rêve de cinéma inspiré d’ Assayas, de Chéreau, plus loin de Bresson, cherche à entretenir et développer les liens secrets qui l’unissent à l’image, image mouvement ou image fixe, dont sa photographie serait un premier pas, dans la construction d’un récit photographique.

© Vincent Gouriou

Ce qui s’inscrit ostensiblement dans ces quatre séries, que ce soit de Pierre & de Chair, ou toute la statuaire classique est largement évoquée, revue aux courbes des corps masculins qui luttent, s’aiment, apparaissent, fusionnent et s’étreignent dans une gestuelle esthétiquement inspirée des classiques , ou ce travail de portrait qui s’attache à rendre compte par l’image, de l’Autre, une humanité souffrante, ici toute en délicatesse et douceur, dans une attitude ouverte et anoblissante: Éveil d’une dramaturgie sobre et délicate, sensible, creuset de l’énonciation romancée, persona déliée de toute souffrance à l’instant des prises de vues, représentations dont la théâtralité éveille la lumière intérieure de chacun pour porter la présence à l’image. Vincent Gouriou cherche l’ image juste, le temps d’un partage, énonce une part d’universalité, s’attache au secret de son sujet en passant par le sien propre, est il ce menteur qui dit vrai?

Il faut dépasser un premier regard formellement caressant et complice. Le temps des secrets le ramène à cette adolescence tactile. Il y a comme une nécessité d’ordre psychologique qui le pousse à s’échapper des catégorisations socio-culturelles amalgamant différences et normalités. Ce regard social lié aux catégorisations sexuelles, produit un enfermement, une clôture absolue et coupante dont il est nécessaire de sortir.  Cette approche de l’intime décloisonne, regarde,  s’éprend, aime, autant de vecteurs qui entrent en résonance et raisonance avec les travaux exposés, qu’ils soient portraits à la lumière froide, inspirés de la peinture flamande, dans une distance ou plus encore la série Instants d’ Abandon, où un jeune homme nu dans une baignoire à l’eau savonneuse et blanche, repli foetal métaphoriquement, lait de la substance lactée, de dos, évoque un Werther moderne retiré en lui même. Ceci me ramène à un acteur qui semble si bien formuler, dans ses rôles au cinéma cet état de l’intimité, ambigu, révolté, secret,  Melvil Poupaud, dont la peau est fleur de silence est tout dialogue, écoute, discernements, en réfléchissant les enfermements idéologiques et moraux dominants, métaphoriquement par sa présence « coupable » et lumineuse. Témoin de l’indignité des papes de la raison dormante et chantres des culpabilités.

© Vincent Gouriou

Au delà des nuances et des corps singuliers, Vincent Gouriou semble moins chercher la fêlure, la marge de ses modèles, puissance de fascination et d’attirances, Eros donc au premier plan, entendu par ce qui attire, ce qui absorbe, que le mouvement d’allègement des êtres eux mêmes, toujours par cette évidence muette du lien, avec un autre corps, avec une autre âme, avec leur propre image, travail conjoint du peintre, du sculpteur, du modèle qui, dans une phase de préparation doivent  se laisser mourir à eux mêmes et accepter de rencontrer ce qui émane des profondeurs, dans une instance ou le non avoué, le non avouable est un message codé, secret, pris en charge par la peau, l’attitude, le regard, le corps pour devenir matières du portrait, de la photographie. Cette fidélité au rêve perçant revient à écrire les accords d’un silence qui a cessé de taire sa différence mais au pli d’un ailleurs créé dans l’interstice que la photographie établit en tant que temps secret et fondateur.

© Vincent Gouriou

Nul doute que ces portraits participent de l’intimité du photographe qui, pérégrinations en ses chemins d’aube, de crépuscule, adoube  et instille ces lumières de la chute, de la naissance, à l’heure bleue, annonçant cette pénombre qui permet aux secrets de s’échanger… La nuit n’est plus le linceul des feux qui font la raison mais l’eau matricielle des rêves qui enfantent le jour, Vénus, nous dit on, est issue des eaux dormantes, et un ciel illunné, est encore mélancolie verlainiene.

Parfois un parfum de Querelles, annonce Jean Genet, fascination des textes qui firent de l’homosexualité la terre promise des sentiments et des plaisirs dits coupables, offrant au personnage, le sacrifice des bien pensants dans une chute vertigineuse digne de Don Juan, occupant toute révolte contre l’establishment de toute honte paternelle, pour donner le sentiment d’une liberté assumée. Cette instance court volontiers dans l’ombre de la photographie de Vincent Gouriou, qui tend son film intérieur à la plastique ascensionnelle du rêve d’un jour neuf et grand, au delà des ostracismes, dans la bienveillance de ses contemporains, rêve tendu d’universalisme, de réconciliations et de fêtes aux bonheurs certains.

Mais c’est par le récit que se fait l’esquisse d’une narratologie, de la possibilité d’un film. Celui ci prendrait en charge tous les éléments de la série, travail qui devrait commuer les interstices de l’exposition assez fragmentée, en langage plein, afin d’ établir le propos constant de l’oeuvre  et de son déploiement. Une diégèse (mécanisme de narration) assumée serait porteuse d’un sens plus universel même si cette mimesis (montrer) pourtant assez précieuse dans la dénonciation du regard général finit par s’extraire en se réduisant…

Personnage narrateur, immergé dans sa propre histoire, Vincent Gouriou occupe comme Shéhérazade la place d’un conteur à l’intérieur d’un dialogue en images. C’est à ce moment que cette métadiégése peut porter un récit tout autant ouvert et polysémique, mais plus liant sur le plan imaginaire, scriptural, ou l’autre peut alors s’énoncer sans doute plus librement dans ses choix, puisqu’il appartient désormais à une autre réalité narrative, à une autre cohérence plus distante…. la possibilité d’un jeu s’inscrit alors plus objectivement,  sous d’autres paramètres intérieurs, pour déplacer l’énergie des images vers plus de fluidité et de portée…un chant léger devrait en naître beaucoup plus joyeux…

 

http://vincentgouriou.com/work

https://www.galerie-david-guiraud.com/   

Galerie David Guiraud
5, rue du Perche  75003 Paris – France  Téléphone : +33 (0)1 42 71 78 62   Email : info@galerie-david-guiraud.com. La galerie est ouverte du mardi au samedi, de 14h30 à 19h, Métro : Filles du Calvaire ou Saint Sébastien Froissart (ligne 8)

AGENCE RÉVÉLATEUR, OLIVIER BOURGOIN  http://www.agencerevelateur.fr/spip.php?rubrique8

le blog de Fabien Ribery:

La révolution par la douceur,  portrait dialogué de Vincent Gouriou, photographe

Pascal Therme
Les articles autour de la photographie ont trouvé une place dans le magazine 9 LIVES, dans une lecture de ce qui émane des oeuvres exposées, des dialogues issus des livres, des expositions ou d’événements. Comme une main tendue, ces articles sont déjà des rencontres, polies, du coin des yeux, mantiques sincères. Le moi est ici en relation commandée avec le Réel, pour en saisir, le flux, l’intention secrète et les possibilités de regards, de dessillements, afin d’y voir plus net, de noter, de mesurer en soi la structure du sens et de son affleurement dans et par la forme…..

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